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Mais, si le passé ministériel n’a pas fait des pertes aussi nombreuses que nous l’aurions désiré, il en a fait d’extrêmement sensibles. On doit tenir compte ici de la qualité encore plus que de la quantité. M. Mesureur, par exemple, qui a été remplacé dans le IIe arrondissement de Paris par M. Syveton, occupe une place importante dans le parti radical : il a été ministre, il était vice-président de la Chambre et président de la commission du budget. Son concurrent a eu près de 1 800 voix de plus que lui. M. Brisson est en ballottage avec 5 362 voix : ses deux concurrens antiministériels en ont plus de 7 700, ce qui donne à croire qu’après le désistement de l’un d’eux, l’autre passera au second tour de scrutin. Qu’adviendra-t-il de M. Viviani ? 11 n’a que 4 245 voix ; son concurrent, M. Auffray, en a près de 5 000. Il est vrai que M. Sauton, radical ministériel, en a 1 400, et on ne sait pas comment elles se partageront. Mais l’élection de M. Viviani est compromise. Il en est de même de celle de M. Millerand, symptôme plus grave ! On croyait que M. Millerand passerait haut la main dès le premier tour. Son principal adversaire, M. le docteur Péchin, n’a pas une grande notoriété en dehors du quartier des Quinze-Vingts, et nous en dirons autant des deux autres, MM. Chauvin et Montiez : néanmoins M. Millerand n’a eu que 4 935 voix et ses concurrens réunis en ont plus de 7 000. M. Millerand a été, après M. Waldeck-Rousseau, l’homme le plus en vue du cabinet actuel, auquel sa présence a donné une couleur socialiste très marquée. Sa défaite serait donc un très grand succès pour les républicains modérés, qui ne s’y attendaient pas, et le fait même qu’il est en ballottage est des plus significatifs. Un autre ministre, M. Leygues, l’est également dans le Lot-et-Garonne. En face de ces échecs définitifs, ou probables, ou possibles des ministériels, on ne peut rien mettre d’équivalent du côté des modérés. M. Piou, il est vrai, a été battu à Saint-Gaudens et la disparition momentanée d’un homme de son caractère et de son talent est regrettable : mais M. Piou, sincèrement rallié à la République, siégeait sur les confins de la droite et du centre, auquel il n’appartenait pas. Parmi les républicains du centre, qui ont fait campagne pour la défense des idées libérales, aucun n’a eu à souffrir des élections. Que n’avait-on pas dit de M. Méline, le plus attaqué de tous ? La presse radicale et socialiste annonçait sa défaite comme certaine : il a été élu, et sans compromission avec personne. On disait M. Aynard en danger : il a été élu. M. Poincaré l’a été aussi, et à une majorité énorme. De même pour M. Ribot ; mais son succès, à lui, n’était pas douteux. Si le parti ministériel a perdu un certain nombre de ses chefs de file, on voit qu’il n’en a pas été de même du