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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/302

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il accrut les attributions du Conseil privé, en fit un conseil supérieur de gouvernement chargé de préparer les projets de loi ou les sénatus-consultes ayant un grand intérêt politique, et il en nomma le prince vice-président. Le jour où le décret, signé le 24 novembre 1864, fut publié au Journal officiel du 3 janvier 1865, le maréchal Vaillant, interprète de la pensée de la majorité de l’entourage impérial, écrit sur son carnet : « J’ai grande confiance dans la sagesse de Sa Majesté, et cependant... »

Persigny, dans ses Mémoires, gémit plus véhémentement contre cette incapacité de l’Empereur à savoir punir. « Quand on l’approche de près, quand on le voit dans son intimité aussi simple, aussi modeste dans la plus éclatante fortune que le dernier de ses sujets, quand on se trouve devant cet homme de bien aux manières distinguées, sans l’ombre de prétentions, d’orgueil personnel ou de vanité, quand on entend cette raison noble, élevée, appliquer à tous les objets le bon sens le plus droit, le plus parfait, enfin quand on l’a vu, comme je l’ai vu, dans le péril, le plus intrépide des hommes, il est impossible de n’être pas séduit, charmé, et l’on comprend aisément les grandeurs de son règne. Mais si l’on pénètre plus avant dans son cœur, si l’on vient assister aux luttes de sa raison contre sa bonté, luttes qui ne sont que des défaites et souvent des déroutes, on plaint ce prince si bon, si généreux, si indulgent de ne pouvoir punir et frapper ceux qui devraient être punis et frappés ; on devine avec quelle facilité ce noble esprit peut être la victime de l’intrigue, et l’on connaît, au dehors comme au dedans, le secret des fautes, des faiblesses et des échecs de sa politique. »

Pendant ce séjour à Compiègne, la principale occupation de l’Empereur fut de mettre la dernière main à la Vie de César. Les recherches étaient terminées, le livre écrit, il ne restait plus qu’à amener le style à son dernier degré de perfection. L’Empereur y travailla avec acharnement, multipliant sans fin les épreuves, employant cinq heures par jour à les corriger avec Maury. La nouvelle session ne lui donnait aucune inquiétude ; il était décidé à n’intervenir d’aucune manière dans les affaires allemandes ; il ne pensait à aucun changement intérieur ; il crut donc pouvoir se livrer sans inconvénient à cette haute distraction d’historien et de lettré.