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universel, tout citoyen doit savoir lire et écrire ; » d’autres tendant à accroître le bien-être général « par l’achèvement rapide de nos chemins de fer, de nos canaux et de nos routes, à augmenter les garanties de la liberté individuelle par l’autorisation de la mise en liberté provisoire, avec ou sans caution même en matière criminelle, par la diminution des rigueurs de la détention préventive, par l’abolition de la contrainte par corps, pour revenir à cette règle du droit primitif de Rome que c’est la fortune et non le corps du débiteur qui doit répondre de la dette. » Au contraire sur les libertés politiques, ainsi que Morny me l’avait fait pressentir, il était absolument négatif : « Maintenons avec fermeté les bases de la Constitution. Opposons-nous aux tendances exagérées de ceux qui provoquent des changemens dans le seul but de saper ce que nous avons fondé. L’utopie est au bien ce que l’illusion est à la réalité, et le progrès n’est point la réalisation d’une théorie plus ou moins ingénieuse, mais l’application des résultats de l’expérience consacrés par le temps et acceptés par l’opinion publique (15 février 1863). »

C’est à cette partie du discours que j’avais dessein de répondre.

Tous les journaux du temps témoignent de la curiosité impatiente avec laquelle mon discours était attendu. On savait que mes projets venaient d’être renversés par la mort de Morny : y persévérerais-je ou reviendrais-je à l’opposition ? — « Assisterez-vous à la séance ? demandait-on à Emile de Girardin. — Certainement, répondit-il, et je serai ému. » Le prince Napoléon était aussi présent.

Je caractérisai d’abord les élections, blâmai l’immobilité que le gouvernement opposait à leurs revendications, rappelai longuement tous les articles du programme que je conseillais de- puis 1860. « On me dit : Vos idées sont généreuses, mais elles ne sont pas pratiques ; si le gouvernement se rendait aux conseils que vous donnez, il s’engagerait dans une voie fatale ; résister, voilà le principe de l’art de gouverner. — Je crois exactement le contraire ; et je suis assuré que gouverner, c’est l’art de céder, céder sans paraître obéir, céder à propos aux légitimes aspirations d’un peuple. Si Louis XVI n’avait pas sacrifié Turgot à l’égoïsme de sa cour ; si plus tard il avait écouté les conseils que Mirabeau lui donnait dans ses notes admirables, il aurait pu prévenir ou diriger la Révolution. Si la Révolution elle-même s’était arrêtée