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avant les journées maudites de Septembre ; si elle avait écouté Bailly ou Vergniaud ; si elle ne s’était pas laissé emporter à des excès dont le souvenir nous afflige encore, elle eût abouti à la liberté et non à une dictature, et Bonaparte, malgré tout son génie, n’aurait pu être qu’un Washington ! Si Napoléon, après avoir charmé et conquis la France et le monde, avait voulu s’attacher ceux qu’il avait séduits ; si au lieu de répondre comme il le faisait à Mayence, même après Bautzen : « Tant que cette épée pendra à mon côté, vous n’aurez pas la liberté après laquelle vous soupirez ! » s’il eût donné l’acte additionnel avant l’île d’Elbe, avant la campagne de Russie, au lieu de s’éteindre dans les tortures de Sainte-Hélène, il aurait fini à Paris au milieu d’un peuple satisfait. Si Charles X n’avait pas tenté un coup d’Etat contre sa propre Constitution ; si, en 1829, il avait repris la belle politique de 1819 ; si, au lieu de suivre Polignac, il avait écouté Chateaubriand, Royer-Collard ou Guizot, il n’aurait pas appris une deuxième fois combien est amer le pain de l’étranger. (Mouvement.) Si Louis-Philippe n’avait pas gâté tant de nobles qualités par une obstination sénile ; s’il ne s’était pas refusé à l’adjonction des capacités, à la réforme électorale, à l’abaissement du cens ; s’il avait été plus soucieux des souffrances et des droits populaires, il n’aurait pas retrouvé dans ses dernières années les épreuves de sa jeunesse et tout le mouvement de 1847 et de 1848 se serait terminé par un ministère Odilon Barrot et Thiers, et non par une Révolution.

« Seulement, pas d’exagération. Céder ne suffit pas ; il faut céder à propos, ni trop tôt, ni trop tard. (chuchotemens.) Quand on cède trop tôt, on accorde à une agitation superficielle ce qui ne doit être concédé qu’à un mouvement profond. Les nouveautés ne doivent pas être trop aisément accueillies : il faut les obliger à un stage. Quand une opinion ne sait pas attendre, quand elle ne peut pas survivre aux premiers refus, elle ne mérite pas d’être prise en considération.(Très bien ! ) Mais il ne faut pas non plus céder trop tard. Quand on cède trop tard, à la colère s’ajoute le mépris ; la chute n’en est que plus profonde, et elle est sans dignité. Pour l’Empire, il n’est pas trop tôt ; il n’est pas trop tard : c’est le moment. (Mouvement.)

« S’il cède, savez-vous ce qui arrivera ? (Interruption.) Oh ! je sais que je touche à des questions brûlantes, mais je persisterai à m’y avancer d’un pas ferme. (Très bien ! très bien ! ) Savez-vous ce