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sobriété de la vie du grand Empereur, certainement un peu arrangée ad usum Delphini, mais vraie dans ses traits essentiels. Le thème dominant était celui que je venais d’indiquer dans mon discours, que la pensée politique réelle et définitive de Napoléon Ier, ajournée par les guerres auxquelles il avait été condamné pour la défense de la Révolution française dont il était la personnification extérieure, se trouve dans l’Acte additionnel de 1815. Les articles de cet acte « contiennent toutes les conquêtes de la liberté moderne ; ils résument l’expérience et la pratique des peuples les plus libres. »

Ce discours libéral inquiéta cependant les libéraux. « J’aime la liberté sous toutes ses formes, y était-il dit, mais je préfère ce que j’appelle les libertés de tous, qui sont le suffrage universel loyalement appliqué, la liberté complète de la presse, le droit de réunion, — elles me semblent plus conformes à l’esprit de mon pays, — oui, je préfère la liberté et une politique influencée par l’opinion publique, à des ministres résultant souvent d’une coterie parlementaire qui s’impose au souverain. »

On ne comprit pas cette aversion contre les Parlemens. Sans aucun doute, on doit les contenir rigoureusement dans leur sphère, les empêcher d’absorber le pouvoir exécutif et d’annihiler son action indépendante. Et il n’est rien de plus pitoyable que d’entendre des députés s’écrier : « Nous sommes les représentans du suffrage universel, par conséquent nous sommes souverains, pouvant faire tout ce qui nous convient. » Un tel langage constitue une hérésie constitutionnelle. La souveraineté intégrale et toute-puissante n’existe que dans la nation. Quand elle a divisé les pouvoirs réunis dans sa souveraineté, en les déléguant à des corps ou à des personnes distinctes, chaque délégation ne vaut que dans la sphère qui lui a été assignée. Au Parlement la nation ne délègue que la portion de la souveraineté qui consiste à contrôler et à voter des lois : dès qu’il va au delà et qu’il prétend gouverner, il usurpe. Mais, si l’on admet que le pouvoir exécutif n’est pas absolu et que ses résolutions doivent être influencées et jugées par l’opinion des journaux et des réunions publiques, pourquoi exclure le contrôle et le jugement parlementaires ? Le Parlement, formé par le pays, sous l’action d’une presse indépendante, ne constitue-t-il pas au moins la plus respectable des réunions publiques et n’est-il pas illogique de lui contester l’autorité qu’on accorde à des assemblées sans mandat ?