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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/355

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la mer du Levant et du Couchant : à l’entrée du détroit, voici la meilleure embuscade et le meilleur entrepôt, la véritable échelle des barques primitives. La topographie seule nous permet d’imaginer comment en ce point les premiers explorateurs des Colonnes d’Hercule eurent une de leurs étapes d’abord, puis un de leurs points d’appui : pour la découverte et pour l’exploitation de la mer Occidentale, Perejil fut l’Ile, l’Algesiras, des premières marines. Mais, outre les données topographiques, nous avons, je crois, un nom de lieu ou plutôt un doublet.

Car l’histoire de cet établissement insulaire peut être reconstituée et nous conduire à la découverte de son véritable nom primitif : I-spania, Espagne. Cette Cachette demeura, sans doute, la grande relâche du détroit tant que l’amitié des indigènes permit à la ville étrangère de subsister ou tant que les navigateurs ne trouvèrent pas de station plus commode. Mais survint, quelque jour peut-être, une descente des Rifains qui saccagèrent le comptoir des étrangers pour en piller les magasins. Peut-être aussi, — et je crois cette alternative plus vraisemblable, — survint une découverte des navigateurs qui leur rendit la Cachette moins utile et moins appréciée. La côte andalouse, une fois découverte, et le fameux royaume de Tartessos devinrent l’Eldorado de ces marines phéniciennes, la terre de l’or, de l’argent, du cuivre et de l’étain. En face de notre Cachette, sur la côte de Tartessos, non loin des bouches du Grand-Fleuve (comme diront les Arabes, Ouad-Al-Kebir), une autre petite île côtière offrit aux Tyriens ses plages et sa rade plus spacieuses. Cette île nouvelle, où s’éleva Gadeira (dont nous avons fait Cadix), était un peu basse, il est vrai ; noyée dans le marais, elle était à la merci des indigènes et n’offrait pas le réduit fortifié de Kalypso. Mais les indigènes étaient doux, hospitaliers, amis du commerce et des peuples de la mer : jusqu’au temps des Hellènes, ces gens de Tartessos garderont leur renommée de douceur et d’hospitalité. Il était facile, d’ailleurs, d’élever en cette île andalouse quelques retranchemens, de bâtir une enceinte de murailles, grâce au tendre calcaire du pays. Les Tyriens transportèrent sur cette Ile de l’Enclos ou du Retranchement (tel est le sens du mot Gadeira dans les langues sémitiques) leur factorerie nouvelle de Cadix.

Notre Cachette africaine fut alors un peu délaissée. Longtemps encore, sa renommée subsista pourtant (dans un autre détroit, la