Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’iconostase, malheureusement en complet désaccord avec elle, car sa magnificence ne rappelle que l’inévitable style rococo et la générosité d’Elisabeth Petrovna.

Est-ce bien une Vierge ? n’est-ce pas plutôt une personnification de la sagesse divine incarnée en Jésus-Christ, comme le veut le nom même du temple ? L’inscription arquée qui la surmonte porte en grec : « Dieu est au milieu d’elle et elle ne s’ébranlera pas ; que Dieu lui soit en aide toujours ! » Ne s’agit-il pas de l’Eglise elle-même ? Quoi qu’il en soit, la mosaïque ressort de son fond d’or, qu’environnent des bordures de fleurs et d’ornemens symboliques, aussi fraîche que si elle émergeait des mains de ses créateurs, les artistes appelés de Grèce par Jaroslav. Le guide nous fait remarquer qu’aucun des moindres détails de l’ajustement n’est effacé, ni le mouchoir blanc avec une petite croix d’or au milieu et un effilé tout autour qui s’attache à la ceinture de pourpre, ni les petites raies et les petites croix qui marquent les poignets azurés des manches, ni la frange du voile dont un des bouts se rejette sur l’épaule. La chaussure est écarlate. Autour de la tête l’auréole est formée de deux cercles concentriques, l’un rouge et l’autre blanc, tout cela intact après huit siècles. Il n’en est pas tout à fait de même pour la Sainte-Cène figurée au-dessous de cette prétendue Notre-Dame d’Orient, de chaque côté d’un autel gardé par les anges : à droite, le Christ offrant la coupe, tandis qu’à gauche il distribue le pain. Quelques personnages ont dû être restaurés en peinture dans le défilé des apôtres qui s’avancent avec un dévot empressement vers l’Eucharistie, et il a fallu aussi suppléer aux dégradations de la coupole capitale ; mais en revanche la mosaïque soutenant l’arc du grand sanctuaire subsiste sans retouche et est très curieuse. Sur l’un des piliers l’archange se dirige, un lis rouge à la main, vers la Vierge qui, sur l’autre, file une laine de pourpre que l’on voit s’enrouler à ses doigts et se terminer en fuseau. Le reste des murs porte partout des peintures à couleur sèche sur enduit frais qui, avec quelques fresques de la cathédrale de Novgorod, sont l’unique témoignage que possède encore la Russie de l’art du XIe siècle. Elles nous montrent en pied, à mi-corps ou en buste, les saints grecs des quatre premiers siècles du christianisme, des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, des anges à deux, quatre ou six ailes multicolores, toujours une bandelette au front. Jusqu’en 1843, où une intelligente restauration les