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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/443

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— Tout ce qui doit mourir, tout ce qui doit cesser,
La bouche, le regard, le désir, le baiser...
Être la chose d’ombre et l’être de silence
Tandis que le printemps vert et vermeil s’élance
Et monte trempé d’or, de sève et de moiteur.
Avoir eu comme moi le cœur si doux, le cœur
Plein de plaisir, d’espoir, de rêve et de mollesse
Et ne plus s’attendrir de ce que l’aube naisse ;
Être au fond du repos l’éternité du temps ;
— D’autres seront alors vivans, joyeux, contens,
Des hommes marcheront auprès des jeunes filles,
Ils verront des labours, des moissons, des faucilles,
La couleur délicate et changeante des mois.
Moi, je ne verrai plus, je serai morte, moi.
Je ne saurai plus rien de la douceur de vivre...
— Mais ceux-là qui liront les pages de mon livre
Sachant ce que mon âme et mes yeux ont été.
Vers mon ombre riante et pleine de clarté
Viendront, le cœur blessé de langueur et d’envie.
Car ma cendre sera plus chaude que leur vie.

Csse MATHIEU DE NOAILLES.