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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/487

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L’ENTREVUE DE BIARRITZ
(1865)


I

Le premier don de l’homme d’Etat est d’écarter les apparences, de ne pas tenir compte des bourdonnemens superficiels, et d’envisager les situations telles qu’elles sont réellement en elles-mêmes. Bismarck déploya cette qualité à un degré supérieur dans le conflit sur les Duchés de l’Elbe.

Depuis des années, le Danemark et l’Allemagne se les disputaient. Maintes fois assoupie, la querelle renaissait sans cesse. Elle recommença en 1864, à propos d’une Constitution de Frédéric VII et, ensuite, à la mort de ce prince. À l’intronisation du prince Christian de Glucksbourg, auquel un traité, conclu à Londres en 1852 avait assuré la succession au détriment du duc d’Augustenbourg, le plus proche agnat, elle se compliqua d’une question de succession.

Bismarck vit, en premier lieu, que ce conflit à explosions intermittentes arrivait, après tant de replâtrages et d’atermoiemens, à ce point où, les finasseries et les transactions épuisées, la guerre doit inévitablement avoir le dernier mot. Il vit non moins clairement que cette guerre amènerait la séparation complète des Duchés et du Danemark, et qu’il ne s’agirait plus que de savoir qui recueillerait le morceau détaché. L’idée de le laisser prendre par Augustenbourg lui était intolérable : il avait négocié la troisième renonciation et n’estimait guère le personnage ; s’il lui permettait de s’installer comme duc dans les Duchés, « ce pleutre, disait-il à Talleyrand, notre ambassadeur, tremblant d’être absorbé par son puissant voisin, augmenterait d’une voix la majorité fédérale hostile à la Prusse et dont