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surprit d’abord et le troubla, car il était convaincu que les explications transmises par Goltz avaient préparé le gouvernement français à l’acte de Gastein. Il craignit un recul de l’Empereur le plaçant dans une situation fausse, vis-à-vis de son Roi, si difficile à convertir à l’alliance française et à l’hostilité contre l’Autriche !

En effet, le Roi fut douloureusement affecté de cette circulaire : il la considéra comme une manière d’outrage, et prescrivit à Bismarck de renoncer au voyage à Biarritz qu’il avait déjà annoncé.


VIII

Pendant que l’on était dans ces contrariétés à Berlin, le mécontentement de l’Empereur s’était dissipé : il avait acquis la certitude qu’aucune alliance n’était conclue contre lui, ni aucune garantie accordée à l’Autriche contre l’Italie. — « Comment voulez-vous, s’était écrié Mensdorff, que nous demandions à la Prusse de nous garantir ou de nous faire garantir nos possessions non allemandes ? M. de Bismarck en prendrait l’engagement que nous savons qu’il ne le tiendrait pas[1]. » — « Jamais, disait Bismarck à son tour avec une énergie et une hauteur ironiques, jamais, tant que je serai au pouvoir, je ne contracterai des engagemens de ce genre[2]. » À l’appui de ses affirmations, il donna lecture à Lefebvre de Béhaine des instructions dont Goltz n’avait pas fait usage et l’autorisa à en transmettre l’analyse à Paris.

Aussitôt les relations intimes avec Goltz avaient été non seulement reprises, mais resserrées. On le conviait à Biarritz[3], en compagnie de l’attaché Radowitz, et on l’admettait dans les réunions les plus étroites. Il s’y montra « brûlant, a dit un des familiers de la maison, Mérimée, des mêmes ridicules feux. » Ridicules, non pas ! même s’ils n’eussent pas été sincères, car ces ridicules feux l’aidaient fort à s’insinuer, à pressentir, à s’informer. De là il mandait à Bismarck qu’il pouvait reprendre son projet de voyage et venir en toute confiance : la première mauvaise impression était complètement effacée.

  1. Mosbourg à Drouyn de Lhuys (5 septembre 1865.
  2. Lefebvre de Béhaine à Drouyn de Lhuys (2 septembre 1865.
  3. L’Empereur s’y était rendu le 7 septembre 1865.