Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/507

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’Empereur ne se contenta pas de faire baisser le ton très élevé des journaux officieux. Il voulut que Drouyn de Lhuys envoyât à Berlin un témoignage direct de son apaisement d’esprit et lui fit télégraphier à Lefebvre de Béhaine : « J’ai quelque peine, je l’avoue, à m’expliquer l’émotion et l’espèce de surprise qu’aurait causées à Berlin ma dépêche du 29 août ; cette dépêche n’est, en effet, que le résumé de toutes nos déclarations antérieures. Nous ayons toujours réservé noire assentiment au mode de solution qui tiendrait compte des vœux et de la nationalité des populations. Or, la convention de Gastein ne présente évidemment pas ce caractère, et nous ne pouvions laisser ignorer à nos agens diplomatiques l’impression que nous avons dû eu ressentir ; au surplus, j’ai lu avec satisfaction, dans vos lettres, que M. de Bismarck insiste sur la nature provisoire des arrangerons dont il s’agit. Il est permis d’espérer que nous trouverons, dans le règlement définitif, des raisons pour exprimer notre adhésion complète aux vues de la Prusse, ainsi qu’une occasion de resserrer encore les liens qui nous unissent à cette puissance (23 septembre 1865)[1]. »

Lefebvre de Béhaine vint immédiatement lire ce télégramme à Bismarck qui parut en éprouver un grand soulagement. Il devait rencontrer, le soir, le Roi à l’Opéra. Il demanda à Béhaine de lui confier le message télégraphique « pour le mettre, au plus tôt, sous les yeux de Sa Majesté. » À onze heures du soir, il le fit prier de passer chez lui, et lui annonça que cette communication avait produit l’effet le plus salutaire et qu’il reprenait son projet de voyage à Biarritz[2].

Bismarck n’allait pas à Biarritz pour s’entendre répéter ce que Goltz lui avait maintes fois transmis sur la neutralité bienveillante de l’Empereur, sur ses sympathies envers la Prusse ; pas davantage pour apprendre ce qu’il savait à satiété : que, par l’Italie, il y avait un moyen sûr de lier la France à son action. Il voulait pénétrer le mystère du « que veut donc l’Empereur ? » Avant son départ de Berlin[3], Lefebvre de Béhaine, qui lui inspirait, comme à tous, estime et sympathie, l’ayant pressenti sur les combinaisons qui pourraient intervenir entre la France

  1. C’est ce télégramme que Sybel a converti en une nouvelle circulaire destinée à effacer celle du 29 août.
  2. Lefebvre de Béhaine à Drouyn de Lhuys (25 septembre 1865).
  3. Il en partit le 30 septembre 1865.