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PETIT MONDE D’AUJOURD’HUI

DEUXIÈME PARTIE (l)


II

Le fiacre suivit d´abord le pied d’humbles coteaux, traversa un village, une rivière, d’autres villages encore, parcourut les sinuosités d’un petit chemin qui errait à travers la plaine jusqu’aux premiers contreforts des monts Euganéens, tourna par la majestueuse avenue de platanes qui, au nord, en rase le flanc désert.

A l’endroit où la colline oblique à l´est pour s’éloigner ensuite vers le midi, on quitte la route et on s’engage dans une grande allée, qui mène en cinq minutes à la sombre enceinte du grand monastère abandonné, à la tour crénelée, à la belle église puissante du xve siècle, assise sur un énorme dé de pierres noires qu’envahit çà et là, conjurée avec les rébellions de la pensée, la rébellion de l’herbe vivace. Maironi fit tout le voyage sans regarder ni à droite ni à gauche, absorbé dans son drame intérieur, dans les visions de la villa Diedo, dans le fantôme de la Valsolda. De temps à autre, venait l’importuner aussi l’obsession de toutes ces affaires publiques, graves et urgentes, qu’il avait entre les mains, encore qu’il s’efforçât de les éloigner de sa pensée. Au fond, l’entretien avec don Giuseppe lui avait laissé dans l’âme une gratitude, une révérence nouvelle, une tendresse émue pour

(1) Voyez la Revue du 15 mai 1902.