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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/524

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la vessie. Sans effrayer l’Empereur de son diagnostic, il l’engagea seulement à se soumettre, dans le délai le plus rapproché, à une exploration par la sonde (cathétérisme). C’était d’autant plus urgent que, si l’existence d’un calcul eût été constatée, on eût renoncé à l’usage des eaux de Vichy, qui, agissant dans le sens du mal, grossissaient le calcul en opérant un travail de pétrification. L’Empereur s’y refusa, et fit promettre à Larrey de ne parler jusqu’à nouvel ordre de ses accidens à personne, et surtout à l’Impératrice. Obéissant, Larrey resta muet. Les crises se renouvelèrent : « Rhumatisme, goutte, » recommença-t-on à dire, et les cures à Vichy de continuer[1]. La véritable maladie n’étant pas reconnue, et s’aggravant par le traitement employé contre la maladie imaginaire, l’Empereur continua à être miné sourdement. Sa volonté mollit et, aux momens de crise, disparut au point de le mettre à la discrétion de ses conseillers. D’après Michelet, il y a eu deux Louis XIV : celui d’avant et celui d’après la fistule. Il y a eu aussi deux Napoléon III : celui d’avant et celui d’après la pierre. La seconde période commence définitivement en cette année 1805. De plus en plus, ce qui était prudence devient incertitude ; ce qui était réflexion, tâtonnement ; l’audace s’arrête aux velléités ; il conduisait ses ministres : il va être remorqué par eux. Et cela, au moment où la mort venait de lui ravir Morny, le seul homme qui pût suppléer à sa volonté défaillante, au milieu de complications chaque jour grossissantes, exigeant plus que jamais la promptitude du coup d’œil et la fermeté de la résolution.


EMILE OLLIVIER.

  1. Carnets du maréchal Vaillant. — 7 janvier 1865. — À neuf heures et demie, conseil des ministres ; il se termine à dix heures trois quarts. L’Empereur est très souffrant de ses rhumatismes ; et 8 janvier, messe aux Tuileries : l’Empereur est souffrant et n’y assiste pas ; 21 janvier, l’Empereur souffre de ses douleurs.
    6 mars. — L’Empereur va au spectacle, mais ne peut pas y rester ; il est souffrant.
    7 mars. — Concert aux Tuileries : l’Empereur souffrant, retenu par ses douleurs, n’y vient pas.
    8 mars. — Conseil des ministres, de neuf heures et demie à onze heures. Les mines sont longues. L’Empereur souffre de ses douleurs.
    11 mars. — L’Empereur, incommodé, est dans un bain ; il ne préside pas le conseil des ministres.