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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/57

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de voûte ; cela tient à ce qu’ils nous considèrent comme définitivement vaincus, vaincus par l’Allemagne dans la lutte continentale, vaincus par l’Angleterre dans la lutte coloniale. D’après eux, les derniers siècles de notre histoire intérieure n’auraient été qu’un long suicide : ce serait le meilleur de notre « bourgeoisie germanique » que nous aurions chassé, en persécutant les Huguenots ; ce serait notre « noblesse allemande » que nous aurions évincée par la Révolution. Aussi le déplorable résidu celto-romain, que nous serions désormais, doit-il se débattre au milieu des divisions intestines, dans les affres de la décadence : la faible natalité française viendrait confirmer l’épuisement de la race. Le pangermanisme a la bonté d’offrir une place convenable dans son futur Empire à ce qui reste de la France ; il suffit pour cela que nous en manifestions le désir et que nous abandonnions nos rêves d’une inutile revanche. Dans le cas contraire, il ne nous resterait qu’à bouder dans notre coin solitaire, à surveiller anxieusement le progrès de notre affaiblissement national, et la race germanique, dans l’ascension indéfinie promise à son génie, n’aurait même pas à prendre la peine de troubler le crépuscule de la France Franzosendämmerung.


III

De fait, le pangermanisme en Allemagne, comme l’impérialisme en Angleterre, dérivent d’une même source. C’est le besoin de la domination exaspéré dans des races qui ont pris conscience de leur force et ne voient pas de limites à leur puissance. Le succès a développé l’idée de la supériorité, du caractère impérial de la race vis-à-vis du reste de l’humanité ; le but final est d’imposer au monde la paix allemande ou la paix britannique. Des deux côtés s’épanouit une école identique, pour laquelle la force devient un gage du droit et l’accroissement de l’Etat une raison suffisante à justifier tous les moyens.

La situation géographique de la France la place entre les deux pays, qui sont, à l’heure actuelle, emportés par cette même tendance ; nous nous heurtons à l’impérialisme anglais à chaque nouveau progrès de notre essor colonial ; le pangermanisme, qui entrave déjà notre expansion économique et culturale, pourrait devenir un jour gros de menaces pour notre sécurité continentale. — Les circonstances nous ont donné pour voisins la plus