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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/602

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L’avenir ne devait donner que trop raison à la duchesse de Bouillon, à Saint-Simon et à Godolphin, contre l’honnête Beauvilliers.


III

Entre le 30 avril et le 14 mai, jour fixé à l’avance pour son départ, le Duc de Bourgogne ne perdit point son temps. Il eut plusieurs conférences avec Bergeyck, ancien gouverneur des Pays-Bas, au nom du roi d’Espagne, et Puységur, son ancien gentilhomme de la manche, qui commandait depuis longtemps en Flandre, qu’on fit venir pour l’occasion et qu’il devait y retrouver. C’était là un bon compagnon et un utile conseil pour le jeune prince, car il connaissait particulièrement bien le pays où le Duc de Bourgogne allait opérer. On n’en saurait dire autant du marquis d’O et du comte de Gamaches, qui, l’année précédente, avaient été désignés pour l’accompagner, quand il fut sur le point de partir pour la Provence et dont la désignation avait été maintenue. Suivant Bellerive, « la Duchesse de Bourgogne et la dame Maintenon avoient déjà formé une conspiration de ceux qu’on donna pour conseillers au Duc de Bourgogne, » et, après avoir reconnu « que Puységur avoit infiniment plus d’esprit que les deux autres, » il ajoute : « On ose dire, sans craindre de blesser la réputation de ces trois particuliers, qu’ils étoient plus propres à faire planter des arbres, tondre des buis et ramer des pois de leurs héritages qu’à servir de conseillers au Duc de Bourgogne[1]. » Ce jugement, qui sent la rancune, est cependant confirmé par celui de Saint-Simon, au moins sur le marquis d’O. « C’étoit, dit-il, un grand homme froid, sans autre esprit que du manège et d’en imposer aux sots par un silence dédaigneux ; une mine et une contenance grave et austère, tout le maintien important, dévot de profession ouverte ; assidu aux offices de la chapelle, où, dans d’autres temps, on le voyoit encore en prières,… » et il ajoute : « On l’auroit si bien pris pour un pharisien, il en avoit si bien l’air, l’austérité, les manières, que j’étois toujours tenté de lui couper son habit en franges par derrière[2]. »

Quant à Gamaches, « c’était un brave et honnête gentilhomme

  1. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XVI. Appendice, p. 544.
  2. Saint-Simon, édition Boislisle, t. III, p. 404. On sait que les pharisiens affectaient de porter de longues franges à leurs vêtemens.