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universelle « relativité ? » De la façon la plus simple du monde, et rien qu’en distinguant avec un peu de soin les différentes interprétations que l’on a données de la « relativité de la connaissance. » On n’entend en effet ni la doctrine, ni le mot même, quand on essaie de leur faire dire, comme au subjectivisme, que toutes les opinions sont également vraisemblables, et même légitimes, du moment qu’elles sont nôtres. Aucun de ceux qui ont fait, de la « relativité de la connaissance, » le fondement de leur philosophie ne l’a ainsi comprise, pas même Protagoras ; et, pour qu’elle souffrît cette interprétation dérisoire, il a fallu que « la littérature » s’en emparât. Mais ce qu’ils ont voulu dire, c’est, en premier lieu, que nos connaissances dépendent de la nature de nos moyens de connaître, et, par exemple, que si nous avions, tous tant que nous sommes, d’autres sens, ou six sens au lieu de cinq, ou le crâne fait d’une autre sorte, le monde extérieur nous apparaîtrait peut-être sous un aspect assez différent de celui que nous lui prêtons ; et ils peuvent bien le dire, mais ils n’en savent rien ! Ils ont voulu dire, en second lieu, que nous ne connaissions jamais rien directement, ou immédiatement, pas même nous, mais toujours en l’opposant à nous-mêmes ou à autre chose, et, par exemple, que le chaud et le froid, le clair et l’obscur, la vertu et le vice, le bien et le mal, le juste et l’injuste ne se définissent et même ne se conçoivent que par et dans leur contraste et leur opposition. C’est ce qui paraît assez probable ; et c’est là-dessus qu’Hegel a fondé son paradoxe fameux de l’Identité des contradictoires. Et ils ont voulu dire enfin, comme Auguste Comte précisément, que nous ne connaissions jamais un fait qu’en relation avec d’autres faits et, par exemple, avec les antécédens et les conséquens qui le déterminent. Qu’y a-t-il là de « subjectif ? » et, pour achever de couper tous les liens qu’on essaierait d’établir entre le « subjectivisme » et la doctrine du « relativisme, » ne suffit-il pas que nous ne soyons les maîtres ni de nos impressions, ni des faits, ni des relations que ces faits soutiennent entre eux ?

En revanche, du « relativisme » ainsi conçu, ce qui résulte nécessairement et ce qui est, en un certain sens, tout le positivisme, c’est que la science, de quelque progrès ultérieur qu’elle se flatte, ne saurait jamais atteindre l’absolu. Son objet n’est que de « déterminer les phénomènes les uns par les autres, d’après les relations qui existent entre eux ; » et son ambition la plus