Le lion a rugi sous sa massue ardente ;
Il empoigna le noir sanglier par son crin
Et, du fauve farouche à la bête fumante,
Ses pieds nus ont rejoint la biche aux pieds d’airain ;
Mais, au lieu de percer de sa flèche intrépide
L’engeance aux rauques cris du lac aux noires eaux
Et de saisir, fougueux, l’étalon par la bride,
Il a forcé les Sons, il a dompté les Mots.
Ils ont autour de lui dansé comme des Faunes.
Les Nymphes ont souri de sa témérité
Et, grave, il a tressé d’immortelles couronnes
Et des guirlandes d’or au front de la Beauté.
Sa main forte a cueilli les pommes à la branche
Du jardin bien gardé par le Dragon rampant.
La neige de l’hiver fleurit sa barbe blanche,
Et sa lyre d’ivoire a des cordes d’argent.
Plutôt que de dormir sous le marbre et sous l’herbe,
O flamme, prends sa chair et consume ses os ;
Donne à cet autre Hercule et qui dompta le Verbe
Le bûcher mérité par ses Mille Travaux !
C’est un jour dont le soir a la beauté d’un songe,
Tant l’air que l’on respire est pur en ces beaux lieux ;
Et, sous le doigt levé du Temps silencieux,
La lumière s’attarde et l’heure se prolonge…
Gardes-en longuement la mémoire en tes yeux.
Si la source a la voix de sa Nymphe limpide,
Le frêne sous l’écorce étire son Sylvain ;
Un lent souffle palpite au feuillage incertain ;
Le ruisseau qui s’esquive est comme un pas rapide,
Et, nocturne, le bois va s’éveiller divin !