Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/910

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ancienne que le Crotoy. Saint-Valéry n’existait certainement pas à l’époque romaine. Ce n’est qu’au commencement du VIIe siècle qu’un modeste moine de l’abbaye de Luxeuil vint s’établir sur la dernière falaise de la côte normande, au pied de laquelle la Somme mêlait alors ses eaux à celles de la mer. Tout autour se groupèrent d’assez pauvres maisons ; au pied, quelques huttes de pêcheurs.

L’ermitage grandit et se transforma en abbaye. Les habitations se multiplièrent et formèrent bientôt deux centres distincts ; la ville haute, qu’on jugea prudent d’entourer de murailles et de couronner par un château ; la ville basse, désignée sous le nom de la Ferté, et qui est devenue le port. Le mouillage était excellent. La pointe de Hornu l’abritait à l’Est contre la houle et les vents du large ; et nous avons vu qu’il rendit au XIe siècle un très grand service à la flotte de Guillaume le Conquérant, que le mauvais temps avait poussée à la côte. Malgré la série des sièges que Saint-Valéry a soutenus, du XIIe au XVe siècle, tour à tour de la part des Anglais, des Français et des Bourguignons, malgré tous les ravages causés par les guerres de religion, les pillages, les incendies, les dégâts de toute sorte qu’il eut à subir chaque fois qu’il changeait de maître, Saint-Valéry se relevait toujours de ses ruines ; son port ne cessait pas d’être très fréquenté, et ses marins armaient même pour la grande pêche de la baleine et de la morue.

Le travail lent et continu de l’envasement et la fermeture graduelle de la baie par la marche progressive de l’épi de Cayeux devaient être des ennemis plus redoutables que les guerres de plusieurs siècles ; et, lorsque les commissaires du cardinal de Richelieu vinrent faire, en 1640, leur fameuse reconnaissance des côtes de Bretagne et de Normandie, ils constatèrent que l’atterrage était tout à fait insuffisant pour la plupart des bateaux de guerre, et que de très petits navires pouvaient seuls se hasarder à franchir les bancs du large. Quelques années plus tard, Vauban, après avoir visité lui-même la baie de Somme, déclarait que le seul moyen d’en tirer parti était de la tourner et de faire, comme Marius à l’embouchure du Rhône, une trouée déserte à travers les alluvions déjà déposés. Il projetait en conséquence d’établir quelque part, entre Ault et Cayeux, un vaste port qui aurait été abrité naturellement par le banc sous-marin de galets déposés par les courans, et derrière lequel on aurait trouvé un mouillage assez