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musicien rencontré d’aventure, Jacques, un parent du Julien de Louise. Un soir, pris de boisson et de jalousie, l’athlète éconduit s’emporte contre Geneviève et la menace. Mais, sous le poing formidable et qui va s’abattre, Loustic vivement s’est glissé. Il reçoit le coup, dont il meurt, en pardonnant à ses deux rivaux, au plus brutal connue au plus heureux.

Le premier acte de la Troupe Jolicœur (la Foire) est ce qu’on appelle, avec trop peu d’estime souvent, de l’excellent ouvrage. Les thèmes, vulgaires à dessein, y sont présentés avec franchise et combinés adroitement. L’ensemble pourrait vivre davantage, mais ne saurait mieux se tenir.

Quant à la partie pathétique, on y rencontre souvent, comme dans les pages extérieures ou pittoresques, des détails qui ne sont pas sans valeur. J’ai goûté particulièrement, au second acte, un scherzo d’orchestre accompagnant les tendres remontrances de « maman Jolicœur » à Geneviève rêveuse. Enfin, c’est une chose excellente, la meilleure peut-être, que la déclaration de l’hercule ; elle est rythmée, et je dirais même cuivrée, avec la rudesse et la brutalité la plus convenable au caractère ou à la condition de l’amoureux.

L’orchestre, — hormis quelques excès dans la grande scène d’amour, — est tempéré ; la déclamation ne manque jamais de simplicité ni de justesse. Il s’en faut, encore une fois, que rien de tout cela soit à mépriser.

Mise en scène exquise, jusque dans le détail. Au second acte, devant la roulotte, des nippes sèchent sur une corde, à l’air du soir. J’en vois encore une jaune, d’un jaune qui se détache sur le paysage du fond, que bleuit la nuit. Et ce n’est pas l’une des choses les moins colorées de tout l’ouvrage.


Camille Bellaigue.