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Président de la République, qui avait si bien parlé d’apaisement à Brest et à Dunkerque, en partant pour la Russie et à son retour, a dû renoncer à faire le ministère de ses préférences. L’apaisement, la détente, il fallait voir la colère de la presse radicale et socialiste en présence des perspectives que ces mots semblaient ouvrir ! Les vainqueurs déclaraient très haut qu’ils entendaient profiter de leur victoire, c’est-à-dire être les maîtres. Ils réclamaient tous les portefeuilles ; ils ne toléreraient pas, disaient-ils, que le moindre d’entre eux s’égarât hors de leurs mains. M. le Président de la République s’est incliné. Il a fait appeler, qui ? M. Brisson. La conversation entre ces deux hommes politiques est restée leur secret : on sait seulement que M. Brisson a refusé le mandat que M. Loubet voulait lui confier, et cela seul semble indiquer, au point de vue radical, un recul plutôt qu’un progrès sur la situation de 1898. À ce moment, en effet, M. Brisson avait accepté de former un ministère et y avait réussi : à présent, il s’en déclare incapable. L’abandon où son parti l’a laissé a sans doute diminué son autorité. Même battu à la présidence de la Chambre, il avait pu être président du Conseil en 1898, parce que tous les siens le suivaient, le soutenaient, l’appuyaient ; aujourd’hui, ils le jugent compromettant, comme s’ils avaient l’impression qu’aller avec lui au combat serait aller à la défaite. M. Brisson s’est donc retiré, et M. Loubet a fait appeler M. Combes. Celui-ci, semble-t-il, s’y attendait. Il avait annoncé depuis quelques jours que, dans le cas où on y ferait appel, son dévouement était prêt. Il a ajouté tout de suite que, puisqu’on voulait bien le charger de faire un Cabinet, il le ferait pour sûr, ne voulant pas exposer le parti radical au reproche d’irrésolution ou d’impuissance. Cette décision est honorable. Plût au ciel que les modérés, lorsque M. le Président de la République a eu recours à eux, eussent toujours répondu et agi de même ! Plût au ciel qu’ils ne se fussent pas trop souvent réservés pour une meilleure occasion, qui d’ailleurs ne venait pas ! M. Combes ne connaît ni ces hésitations, ni ces doutes. On l’a appelé, il est accouru : le lendemain, le ministère était fait.

Mais, dira-t-on, qu’est-ce que M. Combes ? Il faut bien avouer qu’il n’était pas connu du grand public, et qu’il y a eu de la surprise lorsque M. le Président de la République l’a fait venir à l’Elysée. Pourtant M. Combes a déjà été ministre ; M. Bourgeois lui avait confié, il y a six ou sept ans, le portefeuille de l’Instruction publique dans un Cabinet, qui n’a duré, à la vérité, que quelques mois, et il n’a pas laissé de mauvais souvenirs rue de Grenelle. Il a fait, dans sa jeunesse, de fortes