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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/961

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où il va : mais il y a des gens qui savent très bien où ils veulent le conduire, et c’est ce qui nous effraie.


Il est déjà un peu tard pour parler de la paix entre l’Angleterre et les Républiques sud-africaines. La nouvelle en était attendue avec impatience ; elle s’est répandue avec une extrême rapidité et a été commentée avec ardeur dans le monde entier. Elle a soulagé les consciences d’une véritable angoisse. Malgré l’héroïque résistance des Boers, l’admiration qu’elle provoquait ne permet lait pas de se faire illusion sur l’inévitable dénouement de cette lutte disproportionnée. La guerre aurait peut-être pu se prolonger encore, mais en pure perte. Les Boers avaient fait tout ce qu’il était possible de faire pour obtenir des conditions un peu meilleures, et ils y avaient réussi, puisque les conditions de cette année ont été plus favorables que celles de l’année dernière ; mais le moment approchait, ou du moins se rapprochait où leur épuisement final les aurait livrés purement et simplement à l’ennemi, il était de bonne politique de traiter avant qu’il fût arrivé.

Quant à l’honneur des Boers, nous n’en parlons pas : il y a longtemps qu’il était hors de cause. Certes, les Anglais ont montré, eux aussi, de solides qualités d’endurance, et leur armée a mérité des éloges. Mais il y avait une telle inégalité de forces entre l’empire britannique d’une part, et les deux pauvres républiques de l’autre, que tout l’intérêt se portait naturellement vers celles-ci, et que la fibre humaine vibrait en leur faveur. L’attitude des gouvernemens devait être et a été correcte envers l’Angleterre : en revanche, l’opinion allait partout aux Boers, les cœurs étaient pour eux, et comment n’en aurait-il pas été ainsi ? Non seulement ils étaient une poignée d’hommes contre un empire colossal, mais ils défendaient leur nationalité ; cela suffisait pour leur assurer les sympathies universelles, car, au siècle où nous sommes, une nationalité est chose sacrée. Nous ne saurions en voir une disparaître, écrasée sous le nombre, sans éprouver un frémissement de pitié d’autant plus vif qu’elle est elle-même plus petite, et que l’abus de la force apparaît à son égard plus odieux. Mais à quoi bon revenir aujourd’hui sur ce que nous avons déjà dit si souvent à ce sujet ? Contentons-nous d’indiquer comment la guerre s’est terminée.

Elle s’est terminée par un traité, ce qui prouve qu’en dépit des vaines proclamations par lesquelles ils avaient prononcé l’adjonction des deux républiques à l’empire, les généraux anglais ont dû, sinon reconnaître officiellement, au moins respecter leur indépendance