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lettres dorées sur toutes les banderoles qui flottent, et au fronton de tous les arcs de triomphe, garnis de soie et de mousseline, qui traversent les chemins et les rues.

Hyderabad la blanche, dominant sa rivière presque tarie, où ses troupeaux d’éléphans sont descendus dans la vase encore fraîche, Hyderabad, pavoisée et en fête, attend depuis une semaine, de jour en jour, son roi qui ne revient plus.

« La bienvenue au Nizam, notre seigneur ! » En tête du vaste pont de pierre qui mène à la ville, cela se lit à la frise d’un portique tendu de crépon rouge et tout couvert de paillettes d’or.

Et sur ce pont, c’est un continuel défilé de passans de toutes couleurs, d’attelages, de montures, de cortèges. On ne s’attendait point, en arrivant à travers tant de tristes solitudes, on ne s’attendait point à trouver si vivante et si follement colorée cette ville perdue au milieu des terres, au milieu des steppes pierreux et gris.

Les rues s’en vont, blanches, larges et droites, encombrées d’une foule qui a des nuances de fleurs. Ce qui éblouit les yeux tout d’abord, c’est le luxe et l’infinie diversité des turbans ; ils sont roses, d’un rose de saumon, ou de cerise, ou de fleur de pêcher ; ils sont lilas, amarante, jonquille ou bouton d’or ; ils se portent très larges, démesurément larges ; ils s’enroulent autour de petits bonnets pointus, et, par derrière, l’extrémité retombe, pour flotter sur la robe.

Les rues s’en vont, blanches, larges et droites, traversées de distance en distance par des arcs de triomphe qui s’élèvent beaucoup plus haut que les maisons et que surmontent des minarets au croissant d’or. À ces arcs de pierre s’ajoutent en ce moment quantité d’autres portiques très légers, en soie et en bambou, plantés pour faire honneur à ce prince qui ne revient pas. Et au milieu de la ville, au grand carrefour du centre, il en est un tout à fait gigantesque, un arc monumental à quatre faces, dont les quatre minarets dominent tous ceux d’alentour, dominent toutes les flèches fuselées des mosquées, et s’élancent au-dessus de la blanche poussière d’Hyderabad, dans la pureté de l’immuable ciel.

L’ogive arabe, en venant ici, s’est beaucoup compliquée de festons et de dentelures, les Indiens ayant renchéri encore sur la fantaisie des modèles. Au rez-de-chaussée de toutes les maisons,