Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est déjà à toute extrémité. Voilà une malheureuse époque pour nos beautés. La princesse Toufaikin a été enterrée hier... Encore une singulière et triste aventure. La princesse G..., jeune fille de quinze ans au plus, fille du ci-devant ministre des Finances, a disparu depuis quatre jours ; toutes les recherches qu’on a faites jusqu’à présent ont été inutiles. Toute la famille devait partir pour Moscou. La nuit de ce jour, elle s’évade. Le pire de l’affaire est que ces jeunes filles ont reçu une très mauvaise éducation, que jamais elles n’ont vu de monde, en sorte qu’il y a tout lieu de supposer qu’elle s’est enfuie avec quelqu’un du commun. Le père est hors de soi de désespoir et il y a bien de quoi. » Et en post-scriptum de la même lettre : « La G... est enfin retrouvée ; elle s’était enfuie avec un écrivain de son père. La belle affaire ! »

« 31 mars. — L’ambassadeur de France Hédouville est arrivé[1]. On dit sa femme jolie et assez ressemblante à la défunte Toufaikin ; ni lui ni elle n’ont encore paru. L’ambassadeur est habillé à l’ancienne : beaucoup de poudre, des boucles, le front découvert... L’Empereur ira demeurer à Kaméni Ostrow. Nous y avons déjà loué une maison tout proche du palais, assez vaste. Costa y demeurera avec nous. A propos, je ne vous ai pas dit encore que la promenade devant ma maison m’est absolument interdite parce que c’est un lieu indécent. Vous devinez bien que cela vient d’une haute part ; mais ce que vous auriez peine à deviner, c’est que c’est le Verd ( ? ) qui en est cause. Il me rencontre ; il me parle ; effectivement, c’est scandaleux ; donc tout de suite, défense de me montrer. Qu’en dites-vous ? Bonsi est très fâché de cela ; aussi a-t-il dit vertement sa façon de penser là-dessus. Mais, en attendant, il faut se soumettre. »

« 4 avril. — Les Françaises ont paru[2] ; tout ce qu’on avait débité sur leur figure est faux. Ce n’est pas moi qui parle ici, car mon jugement pourrait vous paraître suspect. Mais c’est par d’autres que j’ai appris qu’elles sont laides tout à fait. Le général Ouwaroff, grand admirateur du beau sexe, me l’a confirmé. Outre cela, elles ont très mauvaise tournure et sont mal mises. La renommée trompe fort. »

« 8 avril. — J’étais fort étonnée depuis quelque temps de ne

  1. Le général d’Hédouville que le Premier Consul venait de nommer à Saint-Pétersbourg.
  2. La générale d’Hédouville et ses filles.