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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/19

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et les suprêmes fuites. A différentes hauteurs, il y a des mosquées, afin de pouvoir prier dans le danger jusqu’au dernier jour. Tout a été prévu et puissamment réalisé comme pour la résistance contre des hordes de géans, et la résistance indéfinie. On ne s’explique plus comment, il y a trois siècles, avant l’invention de nos canons modernes, les puissans sultans de Golconde ont été chassés de leur repaire surhumain.

A mesure que l’on s’élève, les désolations d’alentour élargissent leur cercle morne, sous le soleil de feu. Les ouvrages supérieurs, de plus en plus hardis et effrayans, sont aussi plus déjetés ; ils surplombent à donner le vertige et ils penchent ; des masses s’inclinent pour des chutes prochaines ; on voit des arceaux brisés, de gigantesques lézardes. Il y a aussi des restes de monumens incompréhensibles, dont on ne sait plus la destination ni l’âge, et, dans des cavernes, des dieux antérieurs à l’Islam, des Hanouman à tête de singe, habitent parmi les chauves-souris, enfumés par des petits lumignons, que sans doute de mystérieux adorateurs viennent encore, de temps à autre, leur apporter.

Au sommet de tout, sur la dernière terrasse, une mosquée, et un kiosque, d’où les sultans de jadis surveillaient le pays, regardaient venir du fond de l’horizon les armées. La vue qu’on avait d’ici, sur les campagnes, les jardins, les ombrages, fut célèbre aux siècles passés. Mais aujourd’hui ces plaines ont cessé de vivre.

Les climats sont changés, il ne pleut plus ; l’Inde, à ce qu’il semble, se dessèche en même temps qu’elle décline et s’épuise. Au delà de ce chaos de rochers et de remparts, qui est la citadelle, et qui dévale, dans le grand silence, jusqu’en bas, la muraille extérieure de la ville, la muraille crénelée, que le Nizam fait entretenir, serpente au loin pour dessiner encore les contours de ce qui fut Golconde, la Golconde aux diamans merveilleux ; mais on se demande à quoi bon, pourquoi une telle muraille pour enfermer ainsi une zone particulière de désolation qui est devenue en tout semblable à la désolation immense d’alentour : même désert gris, et mêmes obsédans cailloux lisses, que l’on prendrait pour des monstres assis en troupeaux sur des cendres. A l’extrême lointain, Hyderabad apparaît à peine, en traînée toute blanche. Et, çà et là, aux confins de la plaine, ces éternels cailloux qui s’entassent en montagnes disloquées, en