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de la Littérature ancienne et moderne. Il serait temps que l’on étudiât de plus près l’histoire de cette influence, et dans un livre dont le plan serait plus large, et plus libre à la fois que celui de Puibusque dans son Histoire comparée des Littératures espagnole et française. Agé qu’il est de plus de soixante ans, ce livre, d’ailleurs estimable, n’a aucune des qualités qui « gardent les écrits de vieillir ; » et on y voit bien que la littérature espagnole a exercé plusieurs fois sur la littérature française une influence profonde, ou plutôt une influence étendue, mais on n’y voit malheureusement ni les raisons de cette influence, ni les causes qui l’ont interrompue, ni ses liaisons avec le développement intérieur de la littérature française, ni les modifications qu’elle a opérées, ni quelles sont enfin les autres influences qui l’ont elle-même contrariée ; — et encore une fois, c’est tout cela qui est « la littérature comparée. »

Ce qu’il faut essayer de nous mettre dans l’esprit, c’est qu’en effet l’histoire particulière de l’une quelconque des grandes littératures de l’Europe moderne ne saurait désormais s’écrire, ou même se comprendre, qu’à la lumière, et je dirais volontiers « en fonction « de toutes les autres. Littéralement, l’étude de Dante ou celle de Shakspeare sont des questions « internationales » qui n’appartiennent exclusivement ni à l’Italie, ni à l’Angleterre. Pareillement la question qui nous occupe aujourd’hui, celle des « rapports du théâtre de Corneille avec le théâtre espagnol. » C’est ce que n’a pas vu M. G. Huszär. Il l’a traitée comme n’intéressant que la France et que l’Espagne, et sans doute elle les intéresse, elle nous intéresse, mais d’une tout autre manière que ne l’a cru M. G. Huszär, et par d’autres côtés, et à un autre titre.

Car, de ce point de vue plus général, — qu’on eût voulu qui fût le sien, — voyez comme les questions changent d’aspect, de signification, et même de position. Il n’y a presque pas un de nos historiens de la littérature française qui n’attribue pour une large part la forme « oratoire » de notre tragédie, — telle que déjà l’idée s’en dessine dans les pièces de Jean de la Taille ou de Robert Garnier ; — la direction qu’elle a prise de bonne heure ; et les caractères généraux qui sont demeurés les siens jusque dans les déclamations mal écrites, et plus mal rimées, de Marmontel ou de La Harpe, à l’influence de Sénèque. « Les tragédies de Jean de la Taille, dit à propos M. G. Huszär, montrent l’influence