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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/225

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gastéropodes comme certaines Hélix et Harpa, amputer, au besoin, une partie de leur organe de reptation que l’on appelle le « pied : » tandis que d’autres, comme les Doris, coupent et rejettent une portion de leur manteau. — Mais c’est dans l’embranchement des rayonnés et particulièrement parmi les échinodermes, que se rencontrent les faits d’amputation spontanée les plus frappans. Les étoiles de mer détachent leurs bras à la moindre sollicitation, et certaines holothuries vont jusqu’à rejeter, de la même manière, leur tube digestif.

Néanmoins, les cas les plus instructifs sont offerts par les crustacés. C’est en observant les crabes, les homards et les langoustes, et en instituant sur ces animaux des expériences bien conçues que M. L. Frédericq a fait connaître pour la première fois la nature et le mécanisme véritable du phénomène de l’amputation spontanée.


I

Le caractère le plus essentiel de cet acte c’est que, en dépit des apparences contraires et de son nom même, il n’est nullement spontané ni volontaire. L’amputation est inconsciente. Chez les crabes, où cette opération chirurgicale exécutée par l’animal sur lui-même, — cette « autotomie, » comme L. Frédericq l’a appelée, — est facile à étudier, on constate qu’elle est indépendante de la volonté de l’animal et purement automatique. Elle est le résultat d’un acte réflexe bien caractérisé. Comme tous les réflexes, elle a pour point de départ, une excitation nettement définie, portée sur le membre et atteignant le nerf sensitif. La nature de l’excitation importe peu, pourvu qu’elle soit brusque. La plus efficace est l’excitation électrique : il suffit de toucher l’extrémité de la patte avec une pince électrique, pour en observer le détachement. Un coup de ciseaux, une brûlure, une pression brusque, auraient le même résultat.

L’amputation spontanée est un procédé de défense adéquat à une espèce d’agression étroitement déterminée : il en résulte qu’il est inefficace aussitôt que l’attaque prend une autre forme. S’il témoigne dans certains cas d’une appropriation et d’une sagesse que l’on puisse admirer, ce n’est pas à la volonté de l’animal qu’on en peut faire remonter le mérite, — car celui-ci fonctionne comme une machine montée, — c’est à l’adaptation héréditaire qui a organisé ce mécanisme aveugle. Voilà ce que les expériences de M. Frédericq ont bien mis en