Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la piqûre, l’écrasement de l’extrémité du membre, celui-ci fortement étendu vient buter contre le bord de la carapace. Un craquement se fait entendre, le sillon se creuse, la coque se fend, éclate ; les tissus mous se déchirent ; la rupture est consommée. Le muscle extenseur, qu’on pourrait appeler amputateur, gonflé par la contraction, obstrue l’orifice, et forme une sorte de moignon qui s’oppose à l’écoulement du sang.

M. Ch. Contejean a fait connaître le mécanisme de la rupture de la queue chez le lézard. Il est très analogue. Les articles sont représentés ici par les vertèbres qui forment le squelette caudal. Celles-ci, en forme de sablier, ont un point faible en leur milieu, correspondant à l’étranglement ; il y a là une zone qui n’a pas subi l’ossification et s’est maintenue à l’état de cartilage. La rupture se fait en cet endroit, sous l’influence d’une forte contraction des muscles qui tirent de part et d’autre. La queue se courbe en S et quelques secousses convulsives suffisent à rompre la peau écailleuse au niveau de la fracture et à séparer le fragment caudal. Ici, encore, la rétraction des muscles pare à l’hémorrhagie.


III

L’amputation spontanée n’est pas un fait accidentel, propre seulement à un petit nombre d’espèces et destiné à leur défense. C’est un phénomène très général et qui peut servir à d’autres objets qu’à protéger la retraite de l’animal devant ses ennemis. M. Giard a distingué les divers cas d’autotomie en deux grands groupes suivant leur genre d’utilité. La mutilation que s’impose l’animal peut servir, suivant cet éminent naturaliste, soit à faciliter la fuite de l’animal ; c’est l’autotomie évasive ; soit à assurer sa propagation, et c’est alors l’autotomie reproductrice.

Dans ce qui précède, il n’a été question que des exemples les mieux étudiés des mutilations destinées à la défense de l’animal, et ceux-là sont offerts par quelques vertébrés et par un grand nombre de crustacés. Mais, ce procédé de défense n’est pas moins répandu chez les Insectes. Il existe à peu près chez tous ceux qui possèdent des membres longs et grêles. C’est un fait assez général et comportant peu d’exceptions. On cite parmi ces exceptions les insectes haut perchés qui courent à la surface des eaux tranquilles, et que les enfans appellent à tort araignées d’eau : ce sont des hydromètres.

Tout le monde connaît la facilité avec laquelle les sauterelles perdent