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leurs longues pattes sauteuses. Celles-ci restent souvent dans les mains de l’enfant qui les saisit sans précaution. On ne peut prétendre cependant que ce soient des organes fragiles, car ils sont capables de supporter un poids considérable sans les rompre. Contejean a employé jusqu’à 180 grammes pour un insecte qui pesait 3 grammes ; et lorsque la patte cède enfin, l’arrachement se fait au point par où elle s’unissait au tronc. Au contraire, quand elle cède à la légère pression de la main qui l’appréhende, ce n’est pas un arrachement qui se produit : c’est un phénomène actif, une désarticulation, un décrochement réalisé par la contraction réflexe des muscles. Le lieu aussi en est différent : c’est entre la première et la seconde pièce, entre la cuisse et la hanche, qu’elle se produit. — On peut d’ailleurs éviter la mutilation de la sauterelle en la saisissant à l’extrémité de la grosse cuisse (ou fémur) sans presser trop fortement. Mais alors, il suffit de pincer le bout de la patte, de donner un coup de ciseaux sur les crochets du pied, pour que la cuisse se détache du corps et que l’animal tombe à terre. — Le fait se produit encore chez l’insecte décapité.

Dans l’ordre des Diptères, l’amputation spontanée s’observe chez les tipules aux pattes longues et grêles comme celles des cousins, et aussi chez nombre de mouches dont les membres cependant sont plus courts et ramassés.

De nombreux papillons abandonnent aussi très aisément leurs pattes. Ce sont le plus souvent des espèces à musculature puissante, les nymphales, les vanesses, des sphinx, des noctuelles, des pyrales. L. Frédericq a observé le fait chez de petites espèces, les ptérophores aux ailes laciniées.

Les araignées communes, les faucheurs, désarticulent leurs pattes aussitôt qu’elles sont exposées à la moindre violence ; mais, si l’on se contente de les retenir en les attachant ou en les engluant, l’animal reste captif et le réflexe de prétendue défense évasive ne se produit pas.

Il faut arrêter cette énumération. Pour qu’elle fût complète il faudrait citer, parmi les Mollusques, les éolis qui abandonnent leurs papilles dorsales ; — parmi les Échinodermes, les oursins qui se débarrassent, dans les cas pressans, de leurs ambulacres ; — parmi les Annélides, les polynoës et les cirrhatules qui se défont de leurs cirrhes. Dans ce dernier groupe, le fait est si général et si fréquent qu’il est difficile de rencontrer des exemplaires entiers et complets d’un grand nombre d’espèces de Chétopodes.