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« Nous savons de la façon la plus positive que la Disconto Gesellschaft, la banque allemande bien connue, et un comité révolutionnaire de Londres se tenaient dans la coulisse et avaient établi leur principale base d’opérations dans l’île anglaise de la Trinité. Matos a échoué, et l’on conçoit le mécontentement de ceux qui perdaient ainsi les grosses sommes qu’ils avaient aventurées dans l’affaire. » Toutes ces réclamations, toutes ces notes à payer, fabriquées de toutes pièces ou enflées par tous les moyens, accrues d’intérêts usuraires, il faudrait voir ce qu’elles pèseraient si on les portait devant un tribunal, vénézuélien ou autre ! Mais, quand bien même elles seraient reconnues exactes, est-ce que vraiment on ne pourrait pas, donnant un peu de répit au Venezuela épuisé par ses discordes intestines, en faire le report à plus tard, pas beaucoup plus tard, aussitôt que la paix aurait effacé les maux de la guerre ? Et l’éternel « à demain » revenait : mañana ! La France avait consenti un sursis ; et l’on opposait sa modération aux exigences impitoyables de l’Angleterre et de l’Allemagne.

Pour celles-ci, qu’elles réfléchissent. « Le Venezuela ne peut évidemment songer à se mesurer avec les deux puissances dont les escadres sont en rade de la Guayra, mais il ne serait pas surprenant que la population de Caracas exerçât sur les étrangers de terribles représailles, si, par malheur, un débarquement avait lieu. » Ce débarquement avait lieu malgré tout, et les représailles ne se faisaient pas attendre. A peine un détachement d’infanterie de marine allemand avait-il saisi la douane de la Guayra, que des bandes de manifestans se répandaient dans les rues de Caracas, essayaient d’enfoncer les portes de la légation et du consulat d’Allemagne, aux cris de : « Mort aux Allemands ! » sous l’œil indifférent, sinon bienveillant, de la police. Le drapeau allemand et le drapeau anglais étaient déchirés. Le gouvernement vénézuélien, lui-même et plus directement, prenait sa part de responsabilité. Il frappait d’embargo le chemin de fer anglais de Caracas à la Guayra et le chemin de fer central anglais. Tous les résidens anglais, sauf deux, quatre-vingt-dix-sept membres de la colonie allemande, étaient emprisonnés ; pour ne point parler des étrangers appartenant à d’autres nationalités, molestés « par méprise ; » mais, en ce qui concernait Anglais ou Allemands, il n’y avait pas de méprise : ils répondraient au Venezuela des démarches et des visées de l’Angleterre et de l’Allemagne.

Le président Castro, jamais à court d’argumens, et d’autant plus hardi qu’il y découvrait le moyen de reconquérir la faveur populaire, se hâtait de s’en expliquer en son style le plus acerbe : « Les étrangers