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peint : deux ailes, éployées de chaque côté d’une boule rouge ; tandis que le signe fourchu de Vichnou demeure pareil à ce qu’il était dans le sud de l’Hindoustan.

C’est une ville de cavaliers, qui partout galopent, caracolent sur des bêtes fières, aux harnais dorés ; on y monte aussi beaucoup à éléphant, et les chameaux y processionnent en files nombreuses, et les mulets n’y font point défaut, non plus que les petits ânes, aux pelures grises tirant sur le rose.

Les voitures y sont de la plus diverse extravagance. Il y a les toutes petites, de louage, en cuivre étincelant, avec un toit aussi pointu qu’un dôme de pagode, qui vont comme collées à la croupe de leur cheval, et tout le temps assaillies de ruades. Il y a celles qui roulent avec une lenteur majestueuse, traînées par deux gros zébus indolens, qu’une barre de bronze maintient écartés à un mètre l’un de l’autre, de manière à encombrer toute la rue ; invariablement elles sont en forme d’avant de trirème, en forme d’éperon de navire très orné, mais d’éperon tout à fait aigu, sur lequel les voyageurs sont assis à la file et à califourchon. Les plus grandes enfin, à l’usage des belles qui font leur mystérieuse, ont la tournure d’un œuf de quelque oiseau monstre ; toutes rondes, et jalousement enveloppées d’étoffes rouges, elles se traînent aussi sans hâte ; par l’entre-bàillement d’une draperie, de temps en temps on en voit sortir un beau bras de chair ambrée, avec des cercles d’or, ou bien un pied nu, aux doigts chargés de bagues. Ensuite, il y a des litières de toutes les formes, sur lesquelles on promène de jeunes seigneurs en robe de soie orange ou de soie mauve, les yeux allongés à l’antimoine et les oreilles ornées de diamans ; ou bien de vieux nabahs sévèrement vêtus d’un fourreau en velours violet, en velours pourpre, sur lequel s’épand une barbe couleur de neige ou teinte en vermillon.

Et on se salue beaucoup, le long des jolies rues en dentelle, des jolies rues en tulle de pierre blanche, car on est très courtois, à Gwalior.

C’est assurément dans les hautes castes de ce pays que la beauté des races ariennes atteint son maximum de perfection et de finesse, en des pâleurs à peine plus bistrées que celles des Iraniens. Oh ! les admirables yeux, les presque trop régulières et exquises figures des promeneuses qui passent en groupes