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— et il meurt en 1872, après avoir été appelé à administrer le département où siège l’Assemblée nationale.

Je ne sache pas qu’aucune vie offre un exemple plus frappant de ce que peut l’influence du milieu et des traditions, ni fasse ressortir d’une façon plus saisissante la réalité des phénomènes d’atavisme. Depuis l’ancêtre qui fut échevin de Paris sous saint Louis, et dont presque tous les descendans exercèrent des charges municipales, la vieille bourgeoisie parisienne revit tout entière en Cochin, cette bourgeoisie à laquelle il appartenait par le sang : religieuse, raisonneuse, laborieuse, indépendante, avec ses volontés fortes et persévérantes, son sens pratique et sa bonne humeur.

De son grand-oncle, l’avocat Cochin, celui que le barreau du XVIIe siècle avait surnommé le grand Cochin, il avait la souplesse, la largeur, la lucidité d’esprit, l’abondance de ressources ; il le rappelait par la flamme, par l’accent communicatif de son éloquence et jusque par le son flatteur de sa voix. D’autres aïeux, fondateurs d’écoles, d’asiles, d’hôpitaux, il tenait l’esprit de charité, de dévouement, de sacrifice, et cette douceur patiente qui est la plénitude de la force. Enfin, tous les traits caractéristiques de la physionomie morale de son père se retrouvaient en lui : l’amour désintéressé du travail et du progrès, une hardiesse réelle, quoique sans témérité dans les aspirations ; le goût des réformes, la confiance dans la liberté, l’esprit de modération et de tolérance.

Ceux qui l’ont connu ont pu constater à quel point il se révélait dans son extérieur, et combien se trahissaient vite ses qualités : la gravité et l’enjouement, la bonne grâce et la fermeté, la douceur et la décision, la distinction et la modestie. Sur son visage aux traits virils, au front puissant, encadré par une chevelure d’un blond clair, se lisait l’habitude de la réflexion ; ordinairement méditatif, il était prompt à s’animer ; le rayonnement de ses yeux bleus profonds et questionneurs avait une vivacité singulière ; il semblait toujours que ses lèvres fines, spirituelles, allaient se montrer railleuses : elles s’ouvraient pour un sourire dont l’exquise bonté complétait celle du regard. De toute sa personne se dégageait un charme irrésistible, je ne sais quoi de cordial et de captivant. L’effort personnel, l’éducation, la haute culture développèrent tous ces dons naturels. Cochin trouva dans la sollicitude du vénérable abbé Senac, aumônier de