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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/306

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le suffrage universel aurait mise en ses mains. Un moment déconcertée, sa foi dans l’avenir du pays avait repris toute sa force. Il croyait les Français capables de revenir à la pacification sociale et à la prospérité, pourvu qu’ils voulussent bien se corriger du détestable préjugé qu’il n’y a de beau dans leur histoire que les révolutions qu’ils y ont faites ; pourvu qu’ils se souvinssent que, suivant une parole de J.-J. Weiss, « le drapeau de Jemmapes et de Marengo n’est pas d’une seule couleur, mais a gardé précieusement dans ses plis la couleur de Bouvines et de la Mansourah. » La part que les catholiques étaient appelés à prendre dans l’œuvre de la rénovation le préoccupait vivement : le concours du clergé pouvait être singulièrement efficace et précieux, s’il arrivait à convaincre la nation qu’il ne prétendait plus à rien qu’au droit commun, qu’il respectait le passé, mais ne voulait pas faire revivre les choses mortes, qu’il n’aspirait qu’à une chose : à l’entière liberté de sa parole, de ses mouvemens, de son enseignement, dans le respect sincère de la liberté d’autrui. C’était le programme de Lacordaire : ni oppresseurs, ni opprimés. C’est celui dont, en ce moment, les Evêques de France se réclament pour protester contre des mesures oppressives. Cochin s’était placé, dès le début de sa carrière, sur le terrain de la liberté générale, ne demandant pour l’Eglise ni privilèges, ni faveurs ; il s’y est maintenu avec une loyauté, un scrupule absolus, s’élevant en toute occasion, et dans l’intérêt de ses adversaires comme dans l’intérêt de ses amis, contre l’emploi de la contrainte dans le domaine de la conscience, montrant, avec les enseignemens de l’histoire, combien les expériences contraires ont été souvent désastreuses pour la vitalité chrétienne.


VI

Au milieu de tant de ruines, sous le coup de tant d’émotions et d’incertitudes douloureuses, la pensée de Cochin se tournait plus que jamais en haut. Peu à peu, reprenaient possession de lui les études qui l’avaient passionné jadis. Depuis plusieurs années, la composition d’un ouvrage apologétique le préoccupait. Déjà, en 1869, banni de la politique, il était retourné vers une œuvre plus sereine, et, comme écrit son fils, « vers la demeure qu’il s’était faite au-dessus de l’ingratitude des hommes, des