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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/358

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représentans. Il y avait encore vers la frontière du Nord une armée de 60 000 hommes.


II

Dès neuf heures et demie, la Chambre s’était réunie ; on était impatient de connaître les résolutions prises dans la séance de nuit aux Tuileries. Le rapporteur, le général Grenier, résuma très sommairement cette longue délibération. Il dit que les ministres s’étaient engagés à proposer au parlement des mesures de salut public, et que l’on avait voté la nomination, par les Chambres, d’une ambassade chargée de négocier directement avec les puissances alliées. Il ajouta que l’Empereur allait donner par un message son assentiment à cette décision et déclarer en même temps qu’il était prêt à tous les sacrifices, s’il devenait un invincible obstacle à la paix.

La lecture de ce rapport fut écoutée avec un mécontentement non dissimulé. Ce n’était pas ce que la Chambre attendait. Elle croyait que la conférence tenue dans la nuit devait avoir eu à peu près pour unique objet la question de l’abdication, et ses délégués venaient lui parler de vagues mesures de défense et de police, et de l’assentiment promis par l’Empereur à un acte de la représentation nationale. La Chambre avait-elle donc besoin du consentement d’un souverain virtuellement déchu ? Duchesne, de l’Isère, prit la parole. Nommé par l’Empereur, au retour de l’île d’Elbe, procureur général à Grenoble, et élu ensuite député comme bonapartiste, ce Duchesne s’était signalé dès l’ouverture de la session par son hostilité contre l’Empire. Il dit : « Je ne pense pas que la Chambre puisse offrir des négociations aux puissances alliées, car elles ont déclaré qu’elles ne traiteraient jamais tant que Napoléon régnerait. Il n’y a donc qu’un parti à prendre, c’est d’engager l’Empereur à abdiquer. » Des applaudissemens, des murmures, des protestations, des cris : « Appuyé ! aux voix ! aux voix ! » accueillirent cette motion. On prononça même le mot déchéance : la déchéance était dans la pensée de la grande majorité de la Chambre, mais ses chefs, inspirés par le prudent Fouché, ne voulaient recourir à ce moyen extrême qu’après avoir épuisé tous les autres. Ils redoutaient un coup de violence de l’Empereur offensé, l’indignation du peuple de Paris, les colères de l’armée. Pour que la révolution souhaitée s’accomplît