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sans risques, il fallait que Napoléon abdiquât « de son propre mouvement. »

Le président Lanjuinais tenta de calmer l’Assemblée en lui conseillant d’attendre le message de l’Empereur avant de prendre aucune décision. Mais le général Solignac, qui avait coopéré aux journées du 13 vendémiaire, du 18 fructidor et du 18 brumaire, voulait aussi avoir un rôle ce jour-là. Reprenant, en la précisant, la proposition de Duchesne, il demanda qu’une députation de cinq membres, élue incontinent dans la Chambre, se rendit auprès de l’Empereur « pour lui exprimer l’urgence de sa décision. »


Ah ! qu’en termes galans ces choses-là sont mises !


Malgré quelques murmures, la proposition allait être votée à la chaude, lorsque Solignac, écoutant les raisons de plusieurs de ses collègues, en demanda lui-même l’ajournement. « Je viens, dit-il, proposer un amendement. Plusieurs de nos honorables collègues m’ont fait observer qu’il est hors de doute que la Chambre ne soit bientôt informée de la détermination prise par Sa Majesté. Je pense donc qu’il est convenable que nous attendions une heure le message de l’Empereur. » Les avis semblaient très partagés. On criait : oui ! à droite, et non ! à gauche. Solignac reprit : « Nous voulons tous sauver la patrie, mais ne pouvons-nous pas concilier ce sentiment unanime avec le désir de conserver l’honneur du chef de l’Etat ?... Si je demandais d’attendre à ce soir ou à demain, on pourrait m’opposer quelques considérations, mais une heure,... une heure seulement ! » La proposition fut votée. La Chambre daignait accorder une heure à Napoléon pour se décider entre l’abdication et la déchéance.

Il était environ midi, la séance fut suspendue. Dans un groupe, La Fayette, très animé, dit brutalement à Lucien, qui se trouvait à la Chambre comme commissaire de l’Empereur : « — Dites à votre frère de nous envoyer son abdication ; sinon, nous lui enverrons sa déchéance. » — « Et moi, riposta Lucien, je vous enverrai Labédoyère avec un bataillon de la Garde ! » Vaines menaces qui ne pouvaient plus intimider La Fayette et auxquelles moins encore croyait Lucien.

Les députés rentrèrent bientôt en séance pour entendre Davout. Il était chargé par l’Empereur de leur communiquer les