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Dans la coupe des seins doublement renversée,
Dans les flacons égaux de vos bras onduleux,
Les baumes différens de la chair nuancée
Et l’ondoyant sachet d’un corps voluptueux ;

Et ce souffle lointain, salin et balsamique,
Haleine maléfique ou philtre ardent et frais,
Qui semble avoir passé sur la mer arabique
Pour enivrer mon rêve et ravir mes secrets !


REFUS


Va, pars. Je ne veux rien du bonheur vil des hommes.
Qu’ai-je besoin d’avoir un enclos plein de pommes,
Sous des mains pleines d’or, un cœur plein de souci,
D’inutiles désirs et de colère aussi.
Un front barré d’orgueil, un esprit lourd d’envie ?
Pourquoi ? N’ai-je donc pas à moi toute la vie
Et le soleil et l’ombre avec la terre et l’eau ?
Mon corps n’est-il pas jeune et mon visage beau ?
N’ai-je pas tout l’amour et toute la jeunesse ?
Pourquoi me parles-tu de gloire et de richesse ?
Les heures en collier orneront ma beauté.
Ainsi, que les saisons, de leur diversité
Changent à l’infini la parure du monde.
Pars seul. Ecoute en toi l’ambition qui gronde.
Travaille, lutte et crie, et crois-toi libre et fort ;
Sans regarder la vie et sans croire à la mort,
Cours, vers l’espoir humain des choses incertaines !
... Moi, je verrai le soir assombrir les fontaines
Avec des yeux emplis de sagesse et d’amour ;
J’accueillerai la nuit sans regretter le jour,
Etant sûre d’avoir toujours toutes les choses
Dans ma tombe allongée, où fleuriront les roses.


STANCES


Qu’êtes-vous devenue, enfant songeuse et triste
Aux sombres yeux ?
Vous dont plus rien en moi maintenant ne persiste,
Rêves ou jeux ?