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capitaine des mousquetaires du cardinal de Richelieu, reçut pour quarante années le privilège, qui passa à sa veuve et lui valut un beau revenu : elle fournissait les chaises aux porteurs, qui en demeuraient responsables et lui versaient une redevance de cent sous par semaine. Ceux-ci faisaient payer leurs services assez cher au public ; Tallemant prétend même qu’ils le rançonnaient, et « demandaient un écu pour aller de la place Maubert à Notre-Dame ; » ce qui équivaudrait, de la part d’un fiacre d’aujourd’hui, à exiger 12 francs de son « bourgeois » pour le conduire du Palais-Bourbon à l’Opéra.

Les « fiacres, » précisément, commencèrent dès cette époque (1660) à faire concurrence aux chaises portées ou roulées, ces dernières nommées « vinaigrettes, » attelées d’un ou deux tireurs. Un commis du maître des postes d’Amiens, « fort entendu en chevaux, pour les bien ménager et les faire durer longtemps, » s’était, dès le règne de Louis XIII, « avisé d’un nouveau trafic, » qui consistait à louer des carrosses à la journée, pour la ville et pour sa banlieue. L’hôtel de la rue Saint-Martin, siège de cette industrie, avait pour enseigne une image de Saint-Fiacre, qui d’abord donna son nom à l’immeuble, puis aux voitures qui en sortaient, puis à « cette manière de gens » qui les conduisaient, en France et en certaines localités étrangères : à Vienne, une voiture de place à deux chevaux se nomme un « fiaker. » Dès le ministère de Mazarin, « monter dans le char de l’enchanteur Fiacron, » était une forme allégorique suffisamment claire pour dire, en langage précieux, que l’on prenait un fiacre.

Utilisés, au début, par les bourgeois qui se rendaient en leurs « maisons des champs, » ces carrosses furent ensuite « exposés » dans les carrefours, de sept heures du matin à sept heures du soir, pour mener « de lieu à autre, par la ville et faubourgs de Paris, » ceux qui les prendraient à l’heure ou à la demi-heure. Nombre des places et des chevaux, tenue soignée ou sordide des cochers, forme, conditions de louage et, par suite, tarif de ces voitures, — calèches ou berlingots, cabriolets ou gondoles, — varièrent fort jusqu’à la fin de l’ancien régime ; où elles coûtaient, en monnaie actuelle, depuis 40 francs par jour pour les carrosses dorés, jusqu’à 2 fr. 40 la course, — 1 livre 4 sous, — pour les simples fiacres, pourboires non compris. Car le pourboire était institué dès le règne de Louis XV et représentait 3 francs par jour.

Cette course, à 2 fr. 40, était même plus chère, — comparée