mémoire des hommes perd tout souvenir de son activité passée. Brusquement cette activité se réveille, les flancs de la montagne s’entr’ouvrent, il en jaillit des torrens de laves, de lapilli, de gaz, de vapeurs ; son sommet boisé où, comme au Vésuve, on se livrait aux plaisirs de la chasse, où s’étaient réfugiés et avaient combattu Spartacus et ses compagnons, se creuse en cratère ; il s’effondre et, en quelques heures, Herculanum et Pompéi sont ensevelies sous les cendres. Dans certains cas, le volcan ne cesse pas d’agir ; d’autres fois il paraît s’endormir ; tantôt ses paroxysmes ont lieu à intervalles presque réguliers ; tantôt ils sont très irrégulièrement espacés. Mais jamais on n’a découvert la loi qui en gouverne le renouvellement, par la simple raison que cette loi n’existe pas. Certes, les théories n’ont pas manqué ; beaucoup ont été formulées, mais la réalité leur a infligé de cruels démentis, et elles sont restées ce qu’elles étaient : des hypothèses. Les phénomènes volcaniques s’observent, se découvrent, s’expliquent, et ne se prévoient pas. Quelque opinion qu’on énonce sur un volcan, il est loisible de l’appuyer sur des exemples. La croûte terrestre est un vieil édifice qui tombe. Devant une ruine à l’intérieur de laquelle il est à jamais interdit de pénétrer, quelque architecte se hasardera-t-il à prédire l’instant où s’écroulera tel ou tel pan de mur ; affirmera-t-il que désormais les pierres ne s’ébouleront que l’une après l’autre ou par deux ou trois ensemble ou en masse ; osera-t-il rassurer celui qui plantera sa tente au pied de cette ruine et lui conseiller de dormir en paix, parce que, hier, avant-hier, telle ou telle portion se sera abattue et que l’on est certain que les chutes n’ont jamais lieu qu’à intervalles fixes ? Les observatoires et les observateurs n’y font pas grand’chose et, eussent-ils existé, à cette funeste date du 8 mai 1902, tout autour de la Montagne-Pelée, ils n’auraient rien changé à l’effroyable catastrophe. Il ne s’est, en effet, écoulé que quelques minutes à peine entre le moment où est sortie des flancs de la montagne la formidable bouffée de gaz asphyxians et brûlans et l’instant où celle-ci a balayé la ville de Saint-Pierre en anéantissant tout sur son passage.
Tout ce que l’on est en droit d’affirmer, c’est que les volcans sont distribués sur le globe le long de certaines zones dangereuses déterminées où les phénomènes sismiques se font sentir avec une grande fréquence et exercent leurs ravages, parmi lesquels ceux du genre de la Martinique n’ont rien d’extraordinaire.