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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/628

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dès qu’elles parviennent au contact de l’eau de mer froide ambiante. Cette eau les pénètre, les alourdit, leur permet peut-être de s’élever à une certaine hauteur au-dessus du fond et d’y demeurer en flottaison parfaite si leur densité est rigoureusement égale à celle du liquide qui les baigne entièrement et les imbibe en partie, mais elles ne remontent pas à la surface. Que l’on chauffe un fragment de ponce et qu’on le jette dans un vase plein d’eau, il y enfoncera immédiatement et restera submergé, tandis que, si l’on répète la même expérience sur un fragment froid, il demeurera toujours à la surface, même si l’on agite fréquemment le liquide. J’en possède de la dimension d’une noisette, qui flottent ainsi depuis plusieurs années. Les petits fragmens « étonnés » dans la mer sont très lentement transformés en une masse rougeâtre sans consistance, présentant certaines ressemblances avec la palagonite, et qui, en se délitant, a peut-être fourni ces grains opaques d’un brun rouge plus ou moins vif ou jaunes que le microscope permet de distinguer dans la plupart des fonds, surtout volcaniques. Les gros fragmens décomposés à leur surface par leur étonnement peuvent avoir conservé leur intérieur intact. Très peu pesans, ils auront été entraînés par les courans sous-marins, à commencer par le courant extraordinaire dû à l’éruption même, et être chassés très loin sur les fonds d’où la drague nous les ramène aujourd’hui.

Cherchons ce que peut être une éruption sous-marine. Le sol s’entr’ouvre et vomit une masse de matériaux divers à température très élevée. La plupart sont des gaz ou des vapeurs. La vapeur d’eau d’origine interne est immédiatement condensée par l’énorme quantité d’eau marine sus-jacente ; chaque bulle, quel que soit son volume, est aussitôt fractionnée, refroidie, condensée et finalement absorbée. Les gaz hydrogène sulfuré, acide sulfureux, acide chlorhydrique et même acide carbonique sont solubles et par conséquent, eux aussi, immédiatement dispersés et dissous. Rien n’a été visible à la surface de la mer, sauf quelques bulles ayant échappé à l’action dissolvante de plusieurs centaines et même plusieurs milliers de mètres d’eau, et qui sont d’ailleurs comme émiettées et rendues indiscernables au milieu du mouvement et de l’écume des vagues. Tout se bornera donc, en tant que manifestation extérieure, à une secousse de tremblement de mer telle que des navires en ont ressenti, ou bien à une vague très grosse et subite se propageant à la surface,