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en Angleterre, et où il lui annonçait ces nouvelles, qu’il s’agissait d’une exagération littéraire ou d’une manifestation romantique, si l’on n’avait la preuve qu’à cette férocité d’imagination correspondait bien une barbarie réelle.

Dans une lettre qu’il adresse au comte Munster, de Löwenberg, le 30 août, et où il lui rend compte des combats qui se poursuivaient, à cette heure même, autour de Bunzlau, Gneisenau écrit : « En ce moment même, se livre à Bunzlau un violent combat. On se dispute le passage du pont. L’ennemi a mis le feu au village de Tillerdorf. Le général prussien Horn a donné l’ordre de ne pas faire de prisonniers, mais de les rejeter dans les flammes du village en feu. » Ce n’est pas la seule fois que l’acharnement d’une lutte ait entraîné de semblables horreurs : on les a rarement vu prescrire avec ce sang-froid, et raconter avec ce calme, par celui sous les ordres duquel elles s’accomplissaient. Même dans la correspondance de Napoléon, les manifestations les plus intempérantes de sa volonté débridée ont laissé peu de traces pareilles.

Ce fut seulement le 1er septembre que Blücher et Gneisenau consentirent à relâcher les instances dont ils harcelaient les corps engagés dans la poursuite des Français. Les troupes eurent un jour de repos et furent invitées à célébrer solennellement des actions de grâces. York qui, dans ses résistances hargneuses de vieux soldat, ne manquait pas de finesse, et qui retrouvait dans le succès quelques éclairs de bonne humeur, reçut avec surprise l’ordre du quartier général : « Un jour de repos et des prières ? » dit-il, « nous avons sûrement reçu des coups. » Et, de fait, l’état-major silésien venait de recevoir la nouvelle de la victoire remportée à Dresde, le 27, par Napoléon.


GODEFROY CAVAIGNAC.