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manifeste des députés catholiques, et s’expliquait en ces termes dans une note rédigée à Paris, en français, et qui ne fut peut-être pas publiée, mais dont il m’avait remis et dont j’ai conservé la minute originale : « Le docteur Schaepman a refusé de signer ce "manifeste parce que, pendant la révision constitutionnelle de 1887, il avait reconnu que l’article 80, tout en excluant le suffrage universel proprement dit, permettait une extension du droit électoral qui y confinerait. Pendant la discussion sur les lois électorales du ministre Tak, il avait déclaré à la Chambre à plusieurs reprises, et notamment encore le 6 mars dernier, que les projets n’étaient pas en désaccord avec la Constitution. Pendant tout le débat, il a été partisan d’une conciliation. C’est à cause de cela qu’il a voté un amendement qui levait chez beaucoup de membres, même parmi les catholiques, leurs scrupules constitutionnels. Après la dissolution, le temps des conciliations et des compromis était passé. Il fallait dire pour ou contre. Le docteur Schaepman, ne pouvant dire contre, a dit « carrément » pour. Il ne pouvait faire autrement, s’il ne voulait renier une conviction bien fondée et sérieuse. »

Le différend, heureusement, s’arrangea ; et quand j’allai enfin revoir le docteur Schaepman, lors du couronnement de la reine Wilhelmine, dans l’été de 1898, il me parut rasséréné, rajeuni, réchauffé de toute la ferveur orangiste, rayonnant de toute la joie patriotique. Il venait d’écrire sa cantate à la « Dame des Pays-Bas » et s’épanouissait dans sa victoire. Surtout, il avait foi dans le triomphe futur et prochain de ses idées ; et il ne cessait de me le répéter, pendant nos longues promenades à travers cette admirable banlieue d’Utrecht, toute verte et toute fleurie en cette admirable saison. Plus favorisé que tant d’autres, il aura vu ce triomphe avant de mourir ; mais il est mort prématurément de toute manière ; et sa perte pourrait n’être pas sans conséquences graves pour la fortune de son parti et pour les destinées de son pays.


CHARLES BENOIST.