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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/955

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politiques, peu importe : il suffit de savoir que le fait s’est produit et qu’un officier s’en est plaint. Il l’a fait par écrit, sur le registre des réclamations, et dans des termes peu mesurés : lui-même l’a reconnu depuis. Cependant, si on avait été dans des circonstances normales, personne ne s’en serait ému, ni peut-être même aperçu. Les officiers sont chez eux au Cercle militaire, et, vivant les uns avec les autres dans une grande familiarité, il leur arrive quelquefois d’écrire sur le registre ad hoc des observations dont ils surveillent mal la rédaction. Généralement, cela ne tire pas à conséquence. Mais nous vivons en un temps où l’on prend tout au sérieux, et avec un ministre de la Guerre qui ne plaisante pas. L’officier imprudent avait mérité sans doute qu’on le rappelât à plus de circonspection ; mais, enfin, son cas n’était pas pendable. Par malheur, l’affaire s’est ébruitée, comme tout s’ébruite aujourd’hui, et il en est résulté une grande effervescence dans le Cercle militaire et au dehors. Un autre officier s’est exprimé publiquement en termes extrêmement vifs contre le premier : il a annoncé que l’affaire ne s’arrêterait pas là, qu’elle serait portée devant des groupes ou des hommes politiques, que le Cercle militaire serait au besoin fermé. Et, bientôt après, une campagne commençait dans les journaux radicaux-socialistes autour de l’incident de Clermont. Qu’a fait, en tout cela, le général Tournier ? Ce qu’un autre, également soucieux de ses devoirs, aurait fait à sa place. Il n’a pas méconnu que le premier officier avait, peut-être par légèreté, commis une faute : à notre avis, l’acte du second mérite une qualification beaucoup plus sévère. Pourtant, le général Tournier, dans l’espoir de clore l’incident et de ramener la paix, a infligé un blâme à tous les deux : c’est le plus qu’il pouvait faire pour le premier, et le moins pour le second. Il est probable que l’apaisement se serait produit, si M. le ministre de la Guerre n’avait pas jugé à propos d’intervenir. Le général André a donné au général Tournier l’ordre de retirer le blâme qu’il avait infligé au second officier : quant au premier, il a été déplacé et envoyé en disgrâce. Le général Tournier a exécuté les ordres qui lui avaient été transmis, puis il a demandé à être relevé de ses fonctions. Nous avons dit ce qui est arrivé : avant de le mettre en disponibilité, M. le ministre de la Guerre a tenu à nommer le général Tournier à la tête d’une simple division, de manière qu’il prît dans quelques années sa retraite à ce dernier titre. Il y a là, de la part de M. le ministre de la Guerre, un acharnement dans la persécution qui ne lui fait à coup sûr aucun honneur. Quel peut en être le motif ? Depuis quelque temps, la popularité du général André a subi des éclipses auprès de l’extrême