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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/121

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en fut un autre. Avec un soin égal, les deux monarques s’appliquaient à aplanir entre eux les difficultés. Malgré son alliance avec les Pays-Bas, Louis XIV, en 1666, trouvait moyen d’éviter de les secourir dans leur guerre contre l’Angleterre et ménageait entre les deux nations la paix de Bréda. Des négociations intimes s’ensuivaient de Londres à Versailles quant au partage éventuel de la monarchie espagnole. Elles n’aboutissaient pas : un instant l’Angleterre, au contraire, s’unissait aux Pays-Bas et à l’Espagne pour imposer à la France la paix d’Aix-la-Chapelle. Plutôt que de rompre avec Charles II, Louis XIV cédait, reprenait les négociations : elles trouvaient leur couronnement dans le traité secret de Douvres en 1670, conclu par l’entremise d’Henriette d’Angleterre, et dont l’alliance française et la conversion de Charles II au catholicisme étaient les clauses capitales.

C’est au moment où l’union semble consolidée entre les deux royaumes que tout menace de crouler. La mort subite d’Henriette ébranle le traité qu’elle vient de conclure. Par sa vie dissolue, par ses tendances à l’absolutisme, par son défaut de zèle protestant, Charles II a perdu l’affection de son peuple ; la sympathie manifeste du duc d’York pour l’« idolâtrie papiste » excite les méfiances. Tout ce qui est français, tout ce qui est catholique devient suspect à la nation, et un ministre loyal, mais rude. Temple, avertit sans ménagemens son maître « qu’un roi d’Angleterre, pour être grand, doit être l’homme de son peuple. » Le moment est critique : Charles II ne va-t-il pas avoir à choisir entre sa couronne et son attachement à une politique antinationale ? Comment hésiterait-il, ce monarque indolent et sceptique, peu porté à tenir tête au péril ? Comment, en renouant la triple alliance, se refuserait-il à regagner définitivement la faveur de ses sujets, à sacrifier un allié avec lequel se multiplient chaque jour les malentendus et les difficultés ?...

Or, entre cette date critique de 1670 et sa mort, qui survint en 1685, Charles II, sinon toujours l’Angleterre, fut l’allié fidèle et intime de la France : il la seconda, sinon toujours d’une aide active, au moins par son inertie. Et le miracle est que cette politique fut suivie sans qu’en apparence la vie parlementaire fût bouleversée, sans que l’Angleterre se révoltât contre son souverain ; bien plus, les dernières années de son règne furent, depuis son avènement, celles où il fut chéri davantage de ses sujets.

A qui sont dus ces résultats étonnans ? A la volonté persistante