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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/175

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LA SIXTINE AVANT MICHEL-ANGE

par le rayonnement de l’irrespirable éther dans lequel se meuvent les géans de Michel-Ange. Ces fresques offraient pourtant l’ensemble le plus riche qu’eût laissé en Italie la collaboration des deux grandes écoles de Florence et d’Ombrie, dans l’épanouissement de leur adolescence. L’étude de la Sixtine de Sixte IV, de sa construction et de sa décoration a été entreprise par un Allemand, Ernst Steinmann, qui s’était donné pour tâche d’étudier dans Rome l’art de la Renaissance[1], et dans la Renaissance la Chapelle Sixtine. L’ouvrage vient de paraître[2]. Publié aux frais de l’Empire allemand, c’est un livre d’art d’une exceptionnelle magnificence. Le texte est digne de l’album qui l’accompagne, non seulement par une érudition qui ne laisse rien à glaner après elle, mais encore par un talent d’écrivain qui anime descriptions et documens d’une flamme d’enthousiasme. L’érudit est un amoureux de l’art et de l’Italie ; l’historien est un peu poète. Si parfois l’ingéniosité du chercheur l’égaré au delà du cercle borné des certitudes permises, les faits qui, dans le livre, sont certains et désormais acquis forment un ensemble considérable. Après avoir lu et discuté cette monographie de la Sixtine avant Michel-Ange, on peut faire à la chapelle fameuse une visite de découvertes.


I

La Sixtine n’a pas seulement l’apparence d’un donjon. Elle a été construite pour la défense armée, en même temps que pour la prière. Sixte IV fit ménager le long de ses créneaux un chemin de ronde et au-dessus de sa voûte un corps de garde. Les chambres destinées aux veilleurs servirent, à l’occasion, de geôle pour un prisonnier : en 1503, Carlo Orsini, arrêté par ordre d’Alexandre VI, fut enfermé au-dessus de la Chapelle Sixtine.

Ce torrione, dont le premier étage devint la chapelle d’un palais fortifié, est soudé à un corps de bâtiment qui fut élevé, vingt

  1. On peut recommander comme une lecture attrayante, autant que comme un guide original, le volume de M. Steinmann, intitulé Rom in der Renaissance, dont la seconde édition vient de paraître (Berühmte Kunststädte, Leipzig, Seemann, 1902).
  2. Die Sixtinische Kapelle, t. Ier, Munich, F. Bruckmann ; 1 vol. in-4o et un album in-fo.