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l’on ne saurait nier qu’en général ce ne fût là le défaut de M. de Chaudordy. Dans l’état où nous étions réduits, nous allions trop loin en supposant que les Cabinets se fussent laissé entraîner à des démonstrations décisives. Mais, cette réserve faite, je persiste à penser que, si notre cause eût été, par notre habile et éloquente initiative, spontanément présentée et bien défendue dans la réunion internationale, nous eussions renouvelé entre les Puissances et nous des affinités diplomatiques dont le concours nous eût servi lors des négociations de paix. L’Europe eût été, en fait, mêlée à nos affaires, et tous ceux qui ont pris part à des assemblées analogues connaissent l’importance de ces échanges d’idées, de ces suggestions réciproques, de ces entretiens élevés, de ces relations personnelles qui se produisent inévitablement entre les représentans des grands Etats, quel que soit l’objet officiel de leurs délibérations. En admettant même que le respect du protocole et surtout la crainte de l’Allemagne eussent contenu, — en séance, — les préoccupations universelles, elles eussent vraisemblablement débordé dans les communications particulières, dans ces intimités que le rapprochement quotidien et le travail commun préparent et développent, et qui prennent souvent, lorsqu’on sait en profiter avec un peu d’art, un caractère confidentiel. Nous ne nous trompions pas en supposant que notre présence à Londres eût peut-être dissipé bien des préjugés, encouragé des sympathies latentes ou des sentimens indécis, et fait ressortir le rapport moral qui existe toujours entre la situation de la France et les intérêts majeurs, la dignité même de l’Europe. Lorsqu’il se fût agi de traiter, le vainqueur eût été moins libre d’écarter les Puissances de la discussion, si nous ne nous étions pas comme de nous-mêmes condamnés à cet isolement absolu qui a mis le comble à nos infortunes.

Quoi qu’il en soit de ces réflexions, et que notre déception d’alors ait été plus ou moins justifiée, cet échec d’une combinaison de dernière heure achevait de démontrer l’imminence de la fin. M. de Chaudordy la pressentait assurément ; mais, avec sa ferme volonté d’observer, quels que fussent les événemens, la même ligne de conduite jusqu’à ce qu’il fût relevé de son poste, il reprit avec les neutres des discussions à peu près closes sans doute, mais qu’il considérait devoir réengager sans cesse. Nous n’avons pas à rappeler ici le détail de ces escarmouches verbales dont on n’avait rien à espérer : il suffira de dire qu’il agit auprès