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des Puissances avec la même confiance apparente, n’hésitant jamais, ne se lassant jamais, répétant les mêmes argumens, s’obstinant dans le même effort, avec l’indéniable dignité de l’homme convaincu et qui affirme, quoi qu’il arrive, sa fidélité à ses principes et à sa cause.

Il s’appliquait également à diriger, — et ici son travail était plus efficace, — les affaires, secondaires alors, mais très graves en elles-mêmes, qui se rattachaient aux intérêts permanens du pays et qui avaient été provoquées par nos malheurs. Cette œuvre, à laquelle la Délégation a consacré, pendant les cinq mois de sa durée, les soins les plus assidus, n’exigeait pas moins de vigilance et de fermeté que les négociations relatives aux périls immédiats de la patrie : nous devions, en effet, écarter des tentatives dont le développement et le succès eussent compliqué et aigri plus tard les conséquences de la guerre. Je me borne à les indiquer : M. de Bismarck, que les grandes entreprises ne détournaient point des petites, prétendait infirmer, à son profit, la valeur des actes qui garantissaient la neutralité du Luxembourg ; l’Italie établissait son autorité à Rome par des mesures dont le Saint Père se montrait vivement ému, et l’on appréhendait qu’il ne quittât la Ville Eternelle ; en même temps, elle cherchait à étendre son influence religieuse dans le Levant, au détriment de notre protectorat séculaire ; la Suisse, interprétant inexactement une stipulation de 1815, revendiquait le droit d’occuper en Savoie le Chablais et le Faucigny ; la Turquie, visant Tunis, rassemblait ses troupes sur la frontière tripolitaine. La Délégation prévint ces divers dangers. Encouragé par elle et soutenu par notre concours auprès des Puissances, le Cabinet luxembourgeois put maintenir la situation du Grand-Duché ; en assurant le Pape de nos sympathies pour sa personne et son indépendance, nous préservions la tradition française et le détournions de s’éloigner de Rome : M. de Chaudordy n’hésitait pas d’ailleurs à promettre au Saint-Père, à tout événement, l’hospitalité de notre territoire. D’autre part, nous défendions nos droits en Orient par nos instructions réitérées à nos Consuls ; du côté de la Suisse, nous définissions le sens réel des actes de 1815 ; enfin, nos déclarations précises à Constantinople amenaient la Porte à démentir toute velléité hostile au statu quo de l’unis. Ces résultats, dont la France, après la paix, a recueilli le bénéfice, n’étaient pas sans doute ceux que nous souhaitions avant tout obtenir ; mais