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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/278

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ils démontrent que, si la Délégation n’a pu préparer à la Défense nationale de meilleures destinées, si d’inéluctables événemens ne lui ont pas permis d’atteindre son principal objet, elle a du moins évité partout ailleurs, autant que possible dans une pareille tourmente, que de nouveaux mécomptes vinssent ajouter leur amertume à la suprême douleur que nous allions être contraints de subir.


VIII

Sa mission, d’ailleurs, arrivait à sa fin. La capitulation de Paris, bien qu’elle ne fût pas la conclusion formelle de la guerre, la terminait irrésistiblement. S’il est vrai que la reddition d’une capitale n’implique pas, en soi, la cessation des hostilités, et que, notamment, la prise de Berlin en 1760 n’ait point jadis découragé Frédéric II, en fait, ce désastre était décisif après un si long siège, nos forces étant les unes dispersées, les autres trop affaiblies pour rien entreprendre. M. Gambetta persistait à croire le contraire, et je dois dire que M. de Chaudordy pensait de même ; mais l’opinion publique condamnait la leur. La France, accoutumée par tant de révolutions à considérer Paris comme l’arbitre de son sort, regardait la chute de la grande cité comme un arrêt sans appel. Et en effet, malgré l’opposition exaspérée des partisans de la lutte indéfinie, les négociations avec l’Allemagne prirent aussitôt un caractère général ; l’armistice, si tristement célèbre par l’omission de l’armée de l’Est, fut étendu peu après à tous les départemens envahis ; et, comme il était clair que nous ne reprendrions pas les armes lorsqu’il serait expiré, les élections s’ensuivirent et le dénouement devint certain. Le pays, désabusé de la résistance et lassé de souffrir en vain, nomma ses représentans en vue de la paix, et lorsque le gouvernement de la Défense nationale, discrédité et divisé, eut disparu dans l’orage, l’Assemblée souveraine, ayant constitué un pouvoir régulier, le chargea de traiter avec l’Empire allemand, et en quelques jours tout fut accompli.

La Délégation des Affaires étrangères, au milieu de ces événemens, se trouvait virtuellement dissoute ; mais les ordres de M. Jules Favre la retinrent à son poste jusqu’au moment où les travaux de M. Thiers à Versailles seraient achevés. Auparavant, M. de Chaudordy avait usé encore une fois de ses prérogatives