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cherchant d’un amour pur le pur Evangile, crurent devoir remercier Dieu d’avoir suscité Luther.

Tels quels, cependant, ces nouveaux prédicans ont su rallier à leur programme, — je n’oserais dire à leur doctrine, — un peu plus de vingt mille âmes, et rendre à leur Eglise, au moins momentanément, un certain nombre des positions dont la Contre-Réforme l’avait évincée ; et, s’il est vrai que, depuis la guerre de Trente ans, le catholicisme autrichien n’avait jamais subi pareil assaut, l’histoire évidemment vaut la peine d’être contée, quelque difficile qu’il puisse être, en l’espèce, de rendre à la religion ce qui est à la religion et à la politique ce qui est à la politique.


I

Les ordonnances Badeni, d’avril 1897, en conférant à la langue tchèque, dans les prétoires et dans les bureaux, ce droit de cité qui jusque-là n’appartenait qu’à l’allemand, soulevèrent parmi les populations germaniques de l’Autriche une bourrasque de mécontentemens. Les prêtres d’origine allemande ne furent pas les derniers à s’alarmer : on vit Mgr Frind, coadjuteur à Prague, publier un gros livre sur les droits des langues, dans lequel, au nom de la théologie morale, il concluait à la non-légitimité des ordonnances. L’abbé Opitz, publiciste chrétien-social, déplora vivement, à la Diète de Bohême, la demi-déchéance que les Allemands lui paraissaient encourir. Les curés et vicaires allemands de la Bohême pensaient comme M. Opitz ; et les susceptibilités d’une race qui s’estimait lésée par là même qu’elle n’était plus privilégiée ne trouvaient pas moins d’écho sur certaines lèvres sacerdotales qu’à la tribune parlementaire. Mais les battus sont toujours ombrageux : sous le coup de leur défaite, les radicaux de Bohême n’échappèrent pas à cette loi. Ils cherchèrent et trouvèrent, dans la politique et dans l’histoire, des raisons assez congrues pour s’en prendre à l’Eglise de la disgrâce dont la langue tudesque était frappée par l’Etat.

Le Tyrol et les vallées alpestres, peuplés d’Allemands ardemment catholiques, envoient à Vienne un certain nombre de députés qu’obsède l’exemple du Centre berlinois et qui, sous le nom de « parti populaire catholique, » Katholische Volkspartei, voudraient fonder un groupement analogue. Dominés par le souci de la défense catholique, ils semblent estimer, — et la