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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/284

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simple observation des faits leur donne raison, — que les intérêts de l’Eglise romaine s’accommoderaient mieux, en Autriche, d’un certain fédéralisme que du centralisme actuel. Car on escompterait en vain qu’une majorité pût surgir, dans le Parlement de l’Empire, pour réviser la législation scolaire, par exemple, au sens où le souhaiterait l’Eglise ; mais, du jour où seraient étendues sur ce point la compétence des diètes locales et l’autonomie des diverses populations, on verrait, en plusieurs de ces diètes, la volonté des catholiques faire loi. Députés tyroliens et députés de la Haute-Autriche, qui ne sont d’ailleurs talonnés, dans leurs districts, ni par le Tchèque ni par le Slovène, ne peuvent se défendre de constater qu’au terme de la décentralisation voulue par les Tchèques et voulue par les Slovènes, certaines victoires catholiques sont inévitables : fédéralistes ils sont par raison religieuse, comme le sont Tchèques et Slovènes par raison nationale. Mais les innombrables Allemands qui, dans la Marche bohémienne du Nord et dans la Marche styrienne du Sud, engagent avec les Slaves un corps à corps sans merci, considèrent comme des traîtres, indignes du nom allemand, ces frères fédéralistes qui confondent leurs votes, au Reichsrath, avec ceux d’une race ennemie ; et puisque l’Eglise doit, paraît-il, bénéficier de cette trahison, voilà s’ouvrir, dans la vieille « nation germanique, » une série nouvelle de griefs, — de gravamina, comme on disait jadis, — contre l’influence romaine.

Car un grief ne demeure jamais seul ; d’autres surgissent, tout de suite, par une sorte de génération spontanée, sur le terrain propice que prépare le dépit et que la vengeance cultive. On calcule, dans une presse exaspérée, le nombre des prêtres de Bohême et de Styrie qui sont de nationalité allemande ; ils ne sont qu’une minorité ; donc l’Église est l’incarnation religieuse des nations tchèque et slovène ; donc l’Eglise est l’ennemie. Par l’effet de quelles circonstances l’archevêché de Prague, les évêchés de Königgrätz et de Leitmeritz, de Budweiss et de Lavant, recrutent-ils la masse de leur clergé parmi les populations slaves ? C’est ce qu’il serait équitable aux Allemands d’examiner, dussent-ils ensuite frapper leurs propres poitrines. Si les gymnases allemands de Bohême ne suscitent, parmi leurs pupilles, presque aucune vocation ecclésiastique, c’est là une disette dont les évêques de Königgrätz et de Leitmeritz, en de récens mandemens, sont les premiers à gémir. Si l’archevêché de Prague, il