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en Slovène, et affecta, dans ses documens et discours épiscopaux, d’employer cette langue indigène non moins fréquemment que l’allemand. Quant à la Bohême, l’ascendant qu’exercèrent, à l’aube du réveil tchèque, les réminiscences du hussitisme, rendit plus difficile au clergé de jouer un rôle dans cette renaissance : encore sait-on, pourtant, que le premier publiciste qui, dès le XVIIe siècle, soutint les droits de la langue tchèque, s’appelait le Père Bohuslas Balbin, et que sa « Dissertation apologétique pour l’idiome slave, » publiée cent ans après sa mort, serait la meilleure réponse qu’on pût opposer à Mgr Frind pour la défense des ordonnances Badeni. Or ce lointain devancier, qui fut seul, tout seul, dans un espace de deux longs siècles, à croire à l’avenir de la Bohême, qui fut persécuté pour y avoir cru, et qui semble ainsi faire la chaîne entre l’hérétique Jean Huss et le protestant Palacky, appartenait à la Compagnie de Jésus.

En faut-il davantage, la colère aidant, pour conclure qu’ultra-montanisme et jésuitisme sont les alliés historiques du slavisme antigermanique ; que cette alliance se va toujours resserrant, sous les auspices d’un clergé slave ; qu’elle s’affiche, au Reichsrath, dans les actes du parti catholique allemand ; et que Rome est pour les Allemands d’Autriche la plus insidieuse des marâtres ? L’esprit germanique eut toujours besoin de faire effort pour comprendre le caractère international du christianisme ; si l’Église lui apparaît comme une gêneuse, il s’en excommunie ; il prophétise qu’après Teutburg, qu’après Leipzig, qu’après Sedan, une quatrième revanche doit survenir, la revanche contre le romanisme ; et les mots : Los von Rom ! sonnent l’offensive en même temps que l’alarme.


II

C’est en décembre 1897 que deux étudians viennois, en deux réunions publiques, lancèrent cette belliqueuse sommation. « Rome est notre plus grand ennemi, proclamait M. Fodisch. Notre seul salut est dans la confession protestante, qui recèle l’esprit national. » — « Une politique romaine comme celle d’aujourd’hui, insistait M. Rakus, doit provoquer un déchaînement de la conscience populaire allemande offensée. »

Il y eut des coins de Bohême où ces propos juvéniles firent tressaillir les cœurs : c’était, au Nord-Est, dans le diocèse de