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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/287

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Königgrätz, l’îlot allemand qu’enserrent les monts des Géans ; et c’étaient à l’Ouest, dans les diocèses de Leitmeritz et de Prague, la moyenne vallée de l’Elbe, brèche ouverte aux souffles d’Allemagne, et la zone d’industrie et de charbonnages, qui, d’abord ramassée entre l’Elbe et l’Erzgebirge, se vient épanouir dans l’Egerland. On trouve là de grosses bourgades, très rapprochées les unes des autres, où les deux races s’entre-heurtent, où chaque contact réchauffe la haine, où chaque frottement la fait étinceler. Les deux écoles primaires, allemande et tchèque, se défient entre elles. L’afflux d’employés allemands qu’attirent les nouvelles compagnies de chemins de fer fait assaut contre l’afflux moins artificiel de mineurs, d’employés, d’apprentis tchèques, qui cherchent leur pain : les deux races luttent à coups de chiffres, et ces chiffres sont des hommes. Il y a deux commerces rivaux, deux clientèles rivales, et un boycottage réciproque. Les enfans allemands ont leur jardin, et les enfans tchèques le leur : on voudrait ne point respirer le même air, ne se point chauffer au même soleil. Chaque race considère l’autre comme une intruse, et forcément le prêtre tchèque a là-dessus son avis, qui n’est pas celui des Allemands. Alors la conscience allemande déserte ce prêtre ; elle s’insurge contre lui, et trouve ses directeurs dans le petit groupe de pangermanistes acharnés, qu’illustrent les noms, autrefois jumeaux et maintenant ennemis, de M. Georges Schœnerer et de M. Karl Wolf.

Les soldats, aux heures de crise, devancent parfois les chefs : ainsi advint-il en Bohême, au lendemain des premières excitations lancées de Vienne. On vit, en janvier 4898, un catholique de Leitmeritz faire cadeau d’un terrain pour l’érection d’un temple protestant ; en février, la municipalité de Comotau accorder une demi-libéralité pour une construction analogue ; et celle d’Aussig, en avril, substituer des diaconesses aux religieuses de l’hôpital. Ce n’étaient que des avertissemens épisodiques, des menaces locales : ces avertissemens et ces menaces se ramassèrent sur les lèvres de M. Wolf, à la séance du Reichsrath du 7 juin 1898 : il fallait des prêtres allemands pour les paroisses allemandes, ou sinon... M. Wolf arrêtait son geste et suspendait son pronostic ; mais le sinon, quelques mois après, était développé par M. Schœnerer, et le sort en était jeté.

M. Schœnerer et ses six collègues du Parlement rachetaient par un grand bruit leur petit nombre, et ce bruit même était